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LES SARRASINS DANS LE LYONNAIS. 895 « que je n'eusse été qu'un pauvre émondeur de saules sur « les rives du lac ou du Mincio, dans cette laiteuse Lombar- « die, Bresse de l'Italie! » « A l'extrémité de celte plaine virgilienne de la Bresse, on rencontre tout à coup, au lieu de l'eau stagnante et fié- vreuse des prairies de la Dombes, une rivière bleue comme le firmament de Ja Suisse italienne, joueuse comme des en- fants sur des cailloux, écumante comme l'eau de savon battue par le battoir de la lessiveuse, gazouillante comme une volée de tourterelles bleues et blanches abattues sur un champ de lin en fleurs , jetant ses petits flocons d'écume çà et là , sur son cours, comme ces oiseaux éparpillant leurs plumes en se peignant du bec sur les touffes du lin ; on s'arrête tout éton- né, sur la grève, des cailloux arrondis par le roulis élernel de cette rivière de montagne, débouchant, tout étonnée elle-même, dans la plaine. On demande son nom au premier batelier qui passe et qui rattache son petit bateau fje pêche à un tronc de saule pour verser son filet, frétillant de truites, sur le sable. — C'est la rivière d'Ain, vous dit-iîavec un air de fierté locale, la rivière qui descend du Jura et qui donne son nom à toutes ces plaines. « Si, comme moi, vous avez chevauché dans les déserts et dans les vallées des deux Arabies, vous reconnaîtrez bien vite que les hommes, descendus de Tartarie en Arabie, d'Arabie en Scylhie, de Scythie en Hongrie, de Hongrie en Franche- Comté et en Bresse, ont passé parla, ont colonisé ces con- trées, et ont imposé, au plus beau fleuve du pays , ce nom arabe et générique d'Ain (l'eau par excellence) dont, en per- dant l'accent Aïn, nos pères, moins euphoniques que les Arabes, ont fait Ain , nom rendu guttural et trivial comme le balbutiement à bouche ouverte d'un enfant hébété C'est le progrès selon la doctrine des progressistes indéfinis, ces adorateurs obstinés du temps, qui les dément dans les langues