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                               LA SUAVIOLA.                               445
   L'autre lettre était ainsi conçue :
   « En t'écrivant hier, mon cher enfant, j'étais tout entier au sentiment
de la perte que nous avons faite, et je ne pus te parler de moi. Aujourd'hui
je me sens un peu plus de liberté d'esprit, et je veux te dire quelques
mots de ma position et de mes projets.
   « Comme je l'avais prévu, les devoirs de ma cure sont au-dessus de mes
lumières et des mes forces. Je pouvais bien diriger l'âme simple de Made-
moiselle de la Fare et aider au développement de ta jeune intelligence.
Mais avoir charge d'une paroisse, c'est trop pour moi ! Je quitterai donc
bientôt mon église, pour aller chercher une retraite près des lieux que tu
habites. Une petite maison au pied des Alpes, avec la facilité de te voir
souvent, de te voir toujours, s'il était possible, comblerait mes voeux
Et puis, il faut que je le le dise, j'espère que tu te marieras, que tu auras
des enfants, et que je les élèverai.... Avoir des enfants à instruire, à aimer,
voilà ce qui me convient. Je ne suis bon qu'à cela, moi !
   « Lorsque je serai dans le voisinage de tes montagnes, je les parcourrai
en tous sens. Quoique je me fasse vieux, j'ai encore de la force ; je ne
puis plus marcher vite, mais je puis marcher longtemps. Que d'observa-
tions n'aurons-nous pas à faire ! que de plantes n'aurons-nous pas à
cueillir !
   « Mais à propos de plantes, il faut que je te rappelle la sauviola. L'as-
tu cherchée? l'as-tu trouvée? Donne-moi des détails à ce sujet, mon cher
Etienne; et, en attendant que je puisse chercher et trouver moi-même
quelques raretés alpestres qui manquent à mon herbier, envoie-moi la clé-
matite, le pigamon et VÅ“illet.
   « Ces plantes se rencontrent aisément. Les botanistes techniques (et
nous ne sommes point de ceux-là, nous !) les décrivent de la manière
suivante :
   1° Clématite des Alpes (clématis Âlpina). Tiges grimpantes, feuilles tri-
pennées à folioles ovales lancéolées, acuminées, dentées, la terminale pé-
tioléc. Fleurs à calice bleu, grandes, penchées.
   « Pigamon des Alpes (thaliclrum Alpinum). Tige très-simple, presque
nue, folioles petites , glabres , arrondies. Fleurs en grandes panicules, à
pétales verts, mais conservant une aigrette de soixante etamines, à filets
longs, blancs, avec les anthères jaunes.
   3° Œillet des Alpes (dianthus alpinus). Rameaux subdivisés. Fleurs