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398 t.A S0AV1OLA. Ils se convenaient, du reste, à merveille, el ils passaient ensemble non-seulement les heures d'étude, mais aussi les heures de récréation. La botanique était pour eux une intarissable source de con- jectures attrayantes. Ils s'indignaient de penser que,entendue, comme elle l'est par la plupart de ceux qui s'en occupent, l'étude de celle science devient à la fois un fatigant exercice de mémoire et une révoltante exploration de la matière, une technologie barbare el un rebutant travail de dissection opé- rant sur des cadavres. Eux, au contraire, voyaient en elle à la fois la psychologie et la physiologie des fleurs ; et, se déga- geant de l'étroite région de l'observation rigoureu«e et des faits constatés, ils se laissaient emporter sur les ailes de leur imagination dans le vaste champ des hypothèses. Au surplus, ce n'est pas dans ce qui a rapport à la bota- nique seulement que l'abbé Bertrand cédait ainsi à son pen- chant pour les déductions idéales. C'était là une disposition essentielle de son caractère, el il apportait le même esprit dans toutes ses études, dans toutes ses appréciations. Ainsi conçue, l'éducation d'Etienne avait le tort de lui pré- senter toute chose sous un jour trop favorable et de lui . préparer de cuisants désappointements pour l'époque où il aborderait les réalités de la vie. Ges désappointements ne lui manquèrent pas, en effet. A peine eut-il terminé son éducation,que mademoiselle de la Fare, songeant à lui ouvrir une carrière, le plaça à l'Ecole militaire, d'où il sortit avec le grade de sous-lieutenant. Mais après avoir cruellement souffert à Saint-Cyr, il souffrit plus cruellement encore lorsqu'il fut admis dans un régiment. Le caractère sceptique de ses camarades, l'inflexible rigueur de la discipline, la nature positive de ses devoirs, changèrent peu à reu son dégoût en désespoir el, un beau jour, il donna sa démission el jeta son épaulette.