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                       VOYAGE A ROME.                     301

grand ; l'œil manque de point de comparaison et reste indécis
sur les dimensions réelles de l'édifice. Mais attendez; dis-
tinguez-vous cette petite quille noire qui glisse là-bas entre
les colonnes? Cette quille, monsieur, est un homme, un
garde noble de six pieds de haut!... Immédiatement la lu-
mière se fait, et tout le tableau vous apparaît dans sa vraie
grandeur, avec l'immensité de ses lignes et l'énormité de sa
masse. Approchez. Levez le bras pour toucher la moulure
de ce piédestal... Vous êtes écrasé.
   Entrons ; mouillons nos doigts à ces bénitiers soutenus
par des anges, enfants auprès desquels les athlètes de Ros-
signol-Rollin — soit dit sans offenser ce roi de la lutte et
de l'affiche — paraîtraient chétifs et malingres. Ici plus
d'illusion. Vous êtes vous-même l'unité métrique en contact
immédiat avec la quantité à mesurer... Et alors vous vous
trouvez si petit, si petit, que le vertige de bas en haut vous
prend, et qu'il vous semble rentrer dans le pavé sous l'élé-
vation effrayante du dôme... un abîme renversé...
   Et quelles richesses, et quels marbres ! Pas une place
large comme la main qui ne soit revêtue de marbre, ou de
bronze, ou d'or! Ce que vous prenez pour une toile de
Raphaël, ou du Guide, ou de Michel-Ange, cette Transfigura-
tion, ce Crucifiement de saint Pierre... c'est encore du
marbre... une copie en mosaïque aussi belle que l'original.
Vous doutez? Enjambez la balustrade de la chapelle; tou-
chez... etnoli esse incredulus...
   Et les tombeaux des papes ! Chacun demanderait un ar-
ticle spécial. Il y en a pour tous les goûts et pour tous les
tempéraments, depuis le squelette doré qui soulève une dra-
perie de marbre rouge jusqu'à la blanche statue de la Jeu-
nesse, couverte, hélas ! depuis peu, d'une lourde chemise
de zinc. Je proteste, au nom de l'art et même au nom de la
décence, contre cette chemise... La splendide nudité de