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VOYAGE A ROME. 299 lez-moi velche ou philistin, je l'ai vue ainsi. Peut-être le grand soleil fait saillir les reliefs et accuse les méplats du modelé. Je n'ai passé à Rome que le mois de décembre. II y avait là 1,800 prisonniers garibaldiens de tous types, de tout âge, de tout costume, assez déguenillés en général, mais pas trop tristes. Plusieurs affirmaient n'avoir pas mangé depuis deux jours quand on les a pris. Avec ce régime et les fusils Chassepot, on comprend leur triste figure a Monte-Rotondoet à Mentana. J'ai vu rentrer de l'expédition les zouaves pontificaux, héroïques enfants "qui se battent comme des hommes. Un gros cardinal, accagnardé dans sa voiture, les regardait passer d'un air béat, sans s'inquiéter si son équipage gênait leur marche fatiguée. Cela m'a déplu. Il y a loin du faste et de la fierté des prélats italiens à la dignité modeste et à la noble simplicité du clergé français. Les rues sont sales, dépourvues de trottoirs, et, sauf le Corso et deux ou trois autres grandes artères, étroites, tortueuses, irrégulières. Mais aussi, quel enchantement lorsque, au tournant d'un viccolo obscur, se dresse devant vous quelque monument grandiose! Rome, à mon sens, perdrait a être kaussmanisée. Par la loi des contrastes, ses magnificences gagnent à être entourées d'un encadrement chétif, misérable et sombre. Du reste, les quartiers pauvres ont aussi leur côté pittoresque. Voyez les Transtéverines avec leurs costumes bariolés, les Contadini coiffés du feutre pointu, guêtres de cuir , un tablier et des jambières en peau de chèvre, conduisant au marché leurs attelages à carillon, tantôt a cheval comme un jockey de carosse impérial, tantôt debout sur leur char, comme Automédon... Et les bœufs gris d'argent aux immenses cornes contournées comme une lyre... et les petites mules éveillées ruant sous leur harnais a clous de cuivre... et les buffles noirs, lourds,