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                    PIERRE ET JEANNETTE                    273

je déteste la médisance, je n'aime pas parler contre les au-
tres; mais consultez Madeleine, elle vous dira tout. Ah!
mon voisin, vous êtes trop simple! »
   Là-dessus, Thomas se retira en clignant de l'œil et en
frappant un coup amical sur l'épaule d'André. Il laissa le
pauvre homme dans l'état le plus déplorable de consterna-
tion et de tristesse. Y aurait-il du vrai dans ce que vient de
dire son voisin? M. Richemont ne serait-il pas l'homme
honorable qu'il a toujours cru? Sa fille, qui va tous les
jours chez lui, est-elle exposée à quelque nouveau malheur?
    « Mon Dieu ! disait-il en se couvrant la figure de ses
mains, guidez-moi, conduisez-moi dans cette affreuse nuit;
sauvez ma fille ! »
    Il alla raconter ses angoisses à sa femme, qui fut, comme
lui, plongée dans la plus affreuse inquiétude, et qui projeta
aussitôt d'aller consulter Madeleine sur les graves affaires
qui venaient d'être dites à son mari. Elle avait eu jusqu'ici,
comme André, une confiance sans limite en moi ; cette
confiance venait d'être ébranlée par des explications déso-
lantes. Hélas! pensait-elle, nous ne sommes que de pauvres
paysans bien simples; ils peuvent facilement être trompés!
    Elle se rend donc auprès de notre domestique pour
s'éclairer.
    Madeleine était une Normande rouée et ambitieuse, qui
 cachait sous un masque de bonne femme les plus perni-
 cieux penchants. Elle avait remplacé Pierre dans les fonc-
tions dont celui-ci s'acquittait si bien; elle avait fait en
sorte de s'en acquitter parfaitement aussi, du moins en ap-
 parence. Mais, au fond, quelle différence ! L'enfant n'était
 plus si soigneusement tenu pendant les rares absences de sa
 mère, et nous avons su depuis qu'elle le frappait même,
 pour lui inspirer la crainte de rapporter à ses parents ce
 qu'il pourrait avoir vu ou entendu.
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