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CHRONIQUE THÉÂTRALE. A quelle cause est due l'affluence des spectateurs qui, cette année, se porte avec un empressement inaccoutumé au Grand- Théâtre? Faut-il l'attribuer, comme nous l'avons entendu dire, aux chemins de fer qui, au fur et à mesure qu'ils se multiplient, augmentent dans une mesure inattendue cette population flot- tante dont vivent les théâtres? Nous l'ignorons. Il se peut que les chemins de fer soient pour quelque chose dans ce phénomène assez insolite dans les annales théâtrales pour être universelle- ment remarqué. Nous serions cependant plutôt porté à croire que l'empressement du public à se rendre aux invitations de l'affiche tient à des causes plus immédiates : une grande variété dans le répertoire incessamment renouvelé , une troupe homo- gène dont les éléments se prêtent un mutuel appui, une impul- sion toujours présente dans toutes les parties de cette vaste machine qu'on appelle le monde des théâtres, impulsion vigou- reuse et simple tout à la fois, raisonnable et résolue, perpétuel- lement une, sans tiraillements d'aucune sorte, éclairée et cour- toise dans ses relations avec le public, une tendance manifeste à réaliser le mieux possible, à utiliser toutes les forces, à quelque degré que ce soit, en vue de la perfection de l'ensemble : — là est peut-être l'unique cause de la faveur dont jouissent cette année nos deux théâtres, le Grand-Théâtre surtout. La direc- tion a fait naître, à son avènement, un sentiment assez nou- veau dans ces régions mobiles et orageuses, le sentiment de la stabilité. C'est quelque chose, allez ; sans qu'on s'en rende compte, il réagit sur les dispositions et sur les habitudes du public. Les parterres passent généralement pour être de nature turbulente ; les abonnés ont aussi, comme tous les désœuvrés, des caprices et des vapeurs. Mais, en somme, abonnés et parterre ressemblent assez aujourd'hui aux peuples modernes qui, après avoir essayé de gouverner par des pouvoirs qu'ils prétendaient métamorphoser