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       MÉDITATION EN CHEMIN DE F E R ,      PAR M.    Arthur

                          DE GRAVILLON.


   M. de Gravillon était parti de Lyon pour Paris ; il voyageait,
pour me servir de l'expression d'un évêque français , avec des
pieds de fer et des aîles de feu ; il éprouvait, plus vivement que
tout autre, ces premières émotions qui font oublier la tristesse
des adieux et la fatigue de la route ; il s'abandonnait au
courant de ses pensées, sans tomber dans cet océan de sommeil
qui engloutit tout, lorsque son attention fut fixée par le titre
d'un article de journal, la Poésie et l'Industrie, et par le nom
de son auteur, M. de Laprade ; l'Industrie y était accusée de
faire mourir la Poésie, et d'étouffer sous le cri de ses énormes
machines, les mélodies de la harpe de Terpsichore et de la lyre
d'Erato.
   Persuadé que l'esprit humain fait progresser simultanément
les arts, les sciences et les belles lettres, M. de Gravillon répond
aussitôt à M. de Laprade que l'industrie a sa poésie, et que
déjà elle a son bien aimé et son Cantique. Arrivé à Paris, il livre
à un éditeur sa Méditation en chemin de fer.
   Mme de Sévigné mettait à sa plume la bride sur le cou et la
faisait courir au galop; c'est ainsi qu'elle employait les journées
dont ses contemporains, à la cour de Louis XIV, avaient tant
peine à remplir le vide, De Paris à Grignan , de Grignan aux
Rochers, son trajet était long en litière. Elle avait le loisir de
méditer en voyage. Ses lettres ont formé un recueil important ;
mais elles furent le produit facile d'un amusement de trente
années. Tel n'a point été le sort de M. de Gravillon : après une
méditation de quelques heures, sa main rapide a mis au jour sa
pensée.
   « La poésie, dit l'auteur, atmosphère de Dieu et des mondes,
est infinie. » Elle est innée dans les mystères de la nature. Les
fleurs la révèlent à l'œil et les airs à l'oreille. Elle se reproduit