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                     CHRONIQUE THEATRALE.                         523
en instruments obéissants de leur volonté, ne demandent pas
mieux que d'être administrés et bien administrés. On a laissé,
il est vrai, au public le veto du sifflet. Mais c'est là un droit tombé
en désuétude ; à quoi lui servirait-il d'en faire usage ? Tel acteur
ne vous semble pas idoine et suffisant, comme on disait autrefois
dans les vieux règlements, et parce que le parterre a été muet,
vous craignez d'avoir à le subir jusqu'à la fin de l'année. Rassu-
rez-vous ; un administrateur de notre temps, quand il est habile,
sait bien qu'il doit se substituer à ses administrés. Après avoir
eu la responsabilité et l'initiative de l'engagement, il fera, en vrai
critique qu'il doit être, son feuilleton secret sur l'artiste engagé,
feuilleton sincère, exact, celui-là, sans fausses complaisances ;
car le critique est, dans ce cas, doublé du comptable. C'est ainsi
que M. Halanzier, le directeur actuel, en a agi à l'égard d'artistes
que l'indifférence avait accueillis et que sa prévoyante sagacité a
promptement remplacés.
   M. Renard est resté ce qu'il était l'année dernière, l'idole du
public, le diamant de la troupe de M. Halanzier. Mais le dia-
mant qui déjà lançait il y à un an de si brillants éclairs, semble
chaque jour épurer son eau, s'orner d'une nouvelle facette,
et rayonner de plus d'éclat. M. Renard n'est plus seulement
une grande voix ; le sentiment de nuances, les préoccupations
du style , cet art de donner de la physionomie , du contour , de
l'expression à la phrase musicale , de la balancer avec grâce et
avec goût, tout cela est visible chez lui et lui présage de beaux
triomphes à l'Opéra. Malheureusement le public lui tient moins
compte de ces délicatesses qu'il sent peu que des grandes
manifestations vocales qu'il applaudit à outrance. Raison de plus
de ne pas laisser ignorer à M. Renard qu'il y a des gens auxquels
n'échappent ni ses efforts, ni ses progrès. A côté de M. Renard qui
s'apprête à prendre le chemin de Paris, les mains pleines d'es-
pérances en train de fleurir, nous trouvons M. Audran qui
en revient, chargé d'espérances moissonnées , nous voulons
dire riche des fruits savoureux d'une maturité brillante et non
encore épuisée ; et M. Achard qui, malgré son extrême jeunesse,
a déjà touché barre à Paris et se réserve sans doute d'y retour-