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                           BIBLIOGRAPHIE.                       161
ses rhythmes, est très-propre à prévenir la fatigue inhérente au
mécanisme uniforme et monotone de notre prosodie. M. Simonnet
a très-habilement mélangé les diverses pièces composant son re-
cueil, mérite secondaire, sans doute, mais qui contribue au suc-
cès du volume.
   Disons-le bien vite , M. Simonnet n'est pas un versificateur,
— si cela était, nous ne nous occuperions pas de son livre —
c'est un poète , et un vrai poète. Il y a dans ses Esquisses des
pièces que nous aurions voulu ne pas y voir ; mais il en est d'au-
tres que nous avons relues à plusieurs reprises avec la joie in-
time que font éprouver les pensées grandes et sympathiques,
revêtues d'une forme large et complète. De ce nombre sont
l'Orgie des poètes , la Méditation au tombeau de Balzae , Crité-
rium , et surtout Y Hôtellerie. Un souffle d'inspiration haute et
généreuse circule dans les strophes de ces quatre pièces. Le
poète s'élève au-dessus des sujets mesquins traités d'ordinaire
par les Lyriques auxquels tout prétexte est bon pour ciseler leurs
rimes d'occasion et souffler leur enthousiasme de rencontre. Il
ne s'occupe plus des banales Harmonies des Alpes ni du périodi-
que Départ des Conscrits, ni de M1^ Déjazet, ni de la diva Anaïs.
Il laisse bien loin derrière lui ces terrains vagues où paissent les
moutons de la poésie, Il sent passer en lui une vague révélation
de l'avenir, et il formule en vers magnifiques ses aspirations in-
décises. Les plus beaux élans de M. Maurice Simonnet se ren-
contrent dans cette sphère d'idées. Nous voudrions pouvoir ci-
ter toute la pièce intitulée YHàtellerie où se trouvent les vers
suivants :
           Des profondeurs du ciel sublime fugitive,
           La musique est l'écho des mondes inconnus,
           Et jette par sa langue incertaine et plaintive
           L'ivresse d'Infini dans les êtres émus !
   Ce petit poème est vrai, ému , généreux d'un bout à l'autre.
Les souffrances du génie impuissant à se formuler, quoique sen-
tant sa force comprimée, y sont retracées avec des accents sor-
tis de l'âme. N'est-ce pas pour exprimer cette torture de l'inspi-
ration, écrasée par la matière, que l'antiquité nous a laissé la fa-
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