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                  DE LA DÉCADENCE ROMAINE.                   403
        0 destin malheureux ! l'homme n'est rien du tout :
        Sa vie est comme un fil qui tient à peu de chose ,
        Et puisque chacun meurt, quand il arrive au bout,
        Il faut jouir du temps , pendant qu'on en dispose.

   Ce triste encouragement a la satisfaction grossière des
sens dominait la société païenne ; cependant, à côté de cette
dégradation de l'âme, on voit cheminer parallèlement, et en
dehors de toute notion chrétienne, une résistance à cet en-
vahissement de la matière. Beaucoup d'hommes soutenaient
les droits de l'esprit.
                                   Sanctosque recessus
       Mentis et incoctum generoso peclus honesto.
                                        Pers. ii , 73.

   Mais il manquait une base à ces aspirations morales. Le
Christianisme seul pouvait construire l'édifice , par la sanc-
tion religieuse et la dilatation des facultés du cœur. Le cœur
est toujours amoindri ehez les moralistes de l'antiquité.
Quoi qu'il en soit, les hommes d'intelligence, honteux de la
décadence de leur temps , préparèrent, par leur concours,
l'avènement de la religion nouvelle, qui fut une réaction de
l'esprit contre la matière.
   Les Romains qui, en fait d'appareil de table, avaient ima-
giné tant de raffinements luxueux, ne connaissaient pas la
fourchette. Cependant, pour manger des mets sans consis-
tance, comme des œufs ou certains coquillages, on faisait
usage du cochleare, cuiller. Beaucoup de préparations culi-
naires, hachées, mélangées et dénaturées, devaient nécessi-
ter l'instrument susdit. Sénèque parle de mélanges, dans le
même plat, de toute sorte de mets rares, désossés et con-
fondus ensemble, et il ajoute : « On exécute un travail qui
 devrait être fait par l'estomac, et je m'attends à ce que bien-
 tôt on servira des choses déjà mâchées. » Il est bien clair
 qu'en pareil cas le secours des mains n'était pas suffisant.