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436                     BIBLIOGRAPHIE.
c'est Achille qui, aux campagnes du Xanthe, fait sauver les
TROYENS à l'abri de leurs tours. La femme du perruquier
l'Amour qui veut retenir son époux, dans sa couche, c'est Didon
abandonnée qui accable d'imprécations le chef des Troyens.
   Le même goût dominait à Versailles : Neptune avec ses Tri-
tons et ses Nymphes, Apollon avec ses Faunes et ses Dryades
y régnaient tour à tour. Les deux pièces de Racine, les plus
applaudies par ses contemporains, furent la reproduction de
fables grecques fort absurdes -, mais les spectateurs les adop-
taient comme vraisemblables et quasi historiques; d'ailleurs
dans ce siècle fécond en pompeuses merveilles, jamais poésie
plus noble, plus pure et plus harmonieuse ne fut offerte à leur
admiration ; ils avaient passé leur vie avec les demi-dieux de
la Grèce et les héros de Rome. Il en résulta qu'ils méconnurent,
 comme venant d'un autre monde, le chef-d'Å“uvre par lequel
Racine termina sa trop courte carrière. Un académicien, bel-
esprit, vit en l'auteur d'Athalie, un gentilhomme de Lucifer,
parvenu à vaincre la difficulté de produire une œuvre pire
qu'Esther. Quant à Boileau, il se montra de nouveau le maître
en l'art d'écrire ; il sentit que le génie d"un poète, animé par
 une vérité religieuse, pouvait ém,ouvoir, étonner, ravir un
spectateur, sans les agréments de la Fable pour lesquels il avait
témoigné tant de prédilection.
   L'âme de Bossuet avait dû se révolter contre la magnificence
des fêtes royales, où les dieux du paganisme jouaient un si
grand rôle ; car il blâma le poète Santeul d'avoir fait intervenir
Pomone dans des vers en l'honneur de la Quintinie, créateur
des jardins de Versailles. L'antagoniste de Fénelon était trop
rigoureux ; mais s'il s'agit de donner au genre humain un en-
seignement sérieux et utile, il n'y a pas à hésiter entre le
Discours sur l'histoire universelle inspiré par nos livres saints,
et les Aventures de Télémaque sous l'égide de Minerve.
   Rollin se range à l'autorité de Bossuet ; il se repent d'avoir
commis, en vers latins, la même faute que Santeul ; et il ajoute
que pour être excellent, un poème épique n'a pas besoin des
intrigues de Vénus et des serpents d'Alecton.
   Telle est la noble cause pour laquelle M. de Gravillon a brûlé
d'écrire ; il préfère à Pégase le cheval de Mazeppa. En déclarant
la guerre à l'abus que les poètes du XVIIe et du XVIIIe siècle
avaient fait des fictions de la Grèce, il n'a point à redouter le
sort d'un Titan. Son opuscule est, en prose, un nouvel Art
poétique; il est riche en vives images et il rend un hommage
mérité à I'INDUSTRIE dont Dieu a doté l'homme, pour le con-
soler de l'avoir condamné au travail.
                                          Marc-Antoine PERICAUD.