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LA BÉNÉDICTION PAPALE A ROME. 331 notre pontife vénéré ; sa figure, ordinairement douce mais assombrie par le chagrin, rayonnait alors d'un éclat que les joies de la terre n'ont jamais connues. Ce n'était plus l'in- fortuné souverain dont les généreuses concessions furent payées par la plus noire ingratitude, mais le'pasteur, le père qui a tout oublié et veut témoigner a ses enfants son indicible tendresse. Pie IX debout, les lèvres souriantes, les regards tournés vers le ciel, les mains étendues vers l'immensité semblait vouloir se grandir assez pour atteindre et violenter en quel- que sorte la miséricorde divine.... Vivement ému, il me fut impossible de soutenir plus longtemps un pareil spectacle, mes bras retombèrent, ma tête se courba involontairement, et des larmes d'une douceur incomparable humectèrent mes paupières... On vivrait mille ans que mille ans on conserverait le sou- venir d'une pareille impression. Trois jours après, favorisés par une de ces bonnes for- tunes que l'on ne rencontre que de loin en loin sur le chemin de la vie, mon compagnon de voyage et moi de- vions obtenir l'insigne faveur de nous prosterner aux pieds de Sa Sainteté ; de plus près encore, nous devions voir cette évangélique simplicité, cette douceur, cette dignité incom- parables, seul apanage des saints ou de la puissance qui a exploré tous les rivages de la douleur; nous devions, mo- destes pèlerins, entendre dans la langue tant aimée de notre belle France, de ces bonnes, de ces douces paroles qui se- raient l'orgueil d'une vie obscure comme la nôtre, si elles n'étaient pas un charme, une consolation éternelle pour l'âme qui les a contenues au-dedans d'elle-même, comme le plus saint, le plus précieux des trésors. A sept heures et demie du soir de cette mémorable jour- née, nous nous trouvions encore mêlés à la foule immense