page suivante »
BIBLIOGRAPHIE. 159 pectives sur des Inconnus et des Infiniment petits. Quant à M. G. Planche, sa critique tombe trop souvent dans le dénigre- ment ; il ne juge pas, il déchire. Faut-il s'étonner de cette transformation de la critique et n'est- il pas tout simple qu'elle ait suivi le mouvement général de la littérature contemporaine? On juge comme on produit, à la hâte, en l'air. Clément a fait deux volumes de critique sur le petit vo- lume des Géorgiques de Delille ; de nos jours Clément n'aurait fait qu'un feuilleton, sous peine d'arriver trop tard et d'être dé- bordé par l'attention publique. Le premier mérite de la critique contemporaine c'est l'actualité ; chacun tient à parler le pre- mier ; aussi les critiques pleuvent-elles dès le lendemain de la publication des œuvres de quelque importance. Nous en avons eu récemment un remarquable exemple. Les Contemplations de M. Victor Hugo avaient à peine paru que de tous les côtés s'im- primaient des jugements et des appréciations dont la moindre prétention était d'être complets et sans appel. C'a été un risible spectacle que le ton tranchant et péremptoire de ces improvisa- tions impatientes opposées à la majesté calme de ce livre, « eau profonde et triste, lentement amassée au fond d'une âme » dit le poète. Vingt-cinq années de méditation et de travail, jugées en une heure, n'est-ce pas pitoyable ! Et ce qu'il y a de plus comi- quement triste, c'est que nombre d'oisons bridés, de ceux qui jugent un poète sur une citation et un homme sur une anecdote, colportent ces critiques de rencontre , les font leurs, et s'imagi- nent sérieusement connaître un livre qu'ils ne liront jamais et. dont ils n'ont pas la moindre idée. C'est là un des mauvais côtés de la critique. Au reste, cette loi d'actualité hâtive imposée aujourd'hui à la critique n'a rien de surprenant, nous l'avons dit. Le temps n'est- il pas à l'improvisation en littérature et en librairie ? Les volu- mes à quatre sous et à vingt sous nous inondent, et sauf quel- ques exceptions, la critique est bien pardonnable d'accorder peu de temps et peu de mots à ce déluge de vieilleries et de mé- diocrités. Peut-être même ferait-elle souvent mieux de se croiser tout