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BARTHÉLÉMY COURBON. 157 Il n'était point encore sorti des embarras de ce dernier travail de son esprit, que nous le voyons immédiatement rêver à un nouveau plan et l'exécuter presque aussitôt. C'était la formation d'une SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE. NOUS n'examinerons pas combien il y avait plus de chances d'avenir dans ce nouveau projet. La littérature était, certainement, de tous les goûts élevés de M. Courbon, celui pour lequel il avait le plus de prédilection, c'était aussi ce qui devait le mieux lui réussir; et la brillante suite des réunions de cette nouvelle Société qui n'a fini qu'avec lui, prouve qu'il était bien là dans son véritable élément. Nous n'étions point admis dans cet Athénée, mais on sait que plus d'un talent s'y fit connaître et y fut noblement encouragé. Là s'est arrêté M. Courbon. Que pouvait-il tenter encore? il était parvenu à la dernière limite de ses efforts. Comme tous les hommes de caractère, il était ferme et tenace, quelquefois même d'une ténacité qui touchait presque à l'entêtement ; cette volonté inflexible lui a été funeste, le jour où, parvenu à une convalescence qui faisait tout espérer, il fut pris du pieux désir d'aller à l'Eglise entendre un sermon de carême, prêché par un ami. Il faisait froid ; depuis longtemps le malade n'avait pas quitté son, appartement, et ses proches lui tirent entrevoir le grave danger de cette sortie : J'irai, quoi qu'il en doive arriver, dit-il ! Il fallut céder à son inébranlable résolution. Ce fut là le dernier acte de cette volonté inflexible. Quelques jours après, M. Courbon n'était plus; il expira le 1 e r avril 1854, à l'âge de 60 ans et 8 mois. Dans les réunions, dans les assemblées, M. Courbon brillait par d'autres qualités que le don de la parole.—Dieu me l'a refusée, disait-il, avec un accent plein d'émotion ! Mais ce défaut était amplement compensé par la lucidité, la précision, l'élégance sans prétention, la naïve simplicité dont il embellissait ce qu'il écrivait ; les diverses Sociétés dont il faisait partie possèdent quelques témoins du talent de cet homme, dont les connaissances étaient étendues et chez qui la justesse des idées, la droiture des principes et la solidité du jugement suppléaient à la profondeur. Sans se tromper on aurait pu le croire une encyclopédie vivante. Il jugeait même avec le plus grand sens le vaste et prodigieux recueil des d'Alembert et des Diderot, dont il répudiait la philosophie en parfaite connaissance de cause. 11 sut toutefois se garantir de toute espèce de querelle politique ou religieuse ; ses opinions étaient des plus tranchées, mais son âme était aussi des plus tolérantes; tout en défendant ses principes, il respectait ceux des autres, et bien souvent il fut l'ami de ceux qui, par leurs opinions, lui étaient le plus diamétralement opposés. Le caractère de M Courbon, tel que ses goûts nous l'ont fait connaître, indique assez qu'il recherchait la renommée et qu'il aimait la louange. Ce sentiment inné, qui dominait en lui, fut pleinement satisfait le jour où il reçut de Rome la croix de Pie IX. Hélas! la mort la lui arrachait au moment même où il l'attachait à sa boutonnière. Nous conserverons ce qui nous reste de cet homme de bien, de ce collègue si regrettable à tant d'égards et sa mémoire nous sera toujours chère. Il a tant travaillé pour nous, qu'il semble ne nous être apparu que comme un exemple qui nous était donné. Nous nous rappellerons qu'à son amour des sciences et des arts il joignit la passion d'être utile à ceux qui les cultivent; qu'il cherchait continuellement à acquérir de nouvelles connaissances, ne dédaignant pas de les recevoir de la jeunesse, de les demander à l'artisan; qu'il voulait puiser à n'importe quelle source ; ce qui fit que plus d'une fois se traduisit sur plus d'un visage une expression qui semblait lui appliquer ce mot de Sénèque : ELEMENTAIUUS SENEX ; il s'en apercevait et persistait en souriant. DE LA TOUR VARAN.