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, 514 LE PUBMC AU THÉÂTRE. jours. — Mon Dieu 1 que cette petite Tautin estdonc gentille !... Bah ! assez d'autres sans moi le lui feront savoir. Viens-je ici, pour tel ou tel artiste, mendier l'aumône d'un bravo jeté par compassion ? Non : tous me désavoueraient. Tous fuient les complaisants aussi ardemment qu'ils réclament des juges. La seule grâce qu'ils sollicitent, celle qu'au palais on ne sollicite jamais en vain, c'est l'expédition du jugement. C'est l'ex- pression claire, manifeste, ostensible de l'opinion, quelle soit, en bien ou en mal, qu'on s'est formée sur leur compte. Vingt motifs divers retiennent la main de l'auditeur le plus satisfait. Il est intéressant au point de vue de l'art, il peut être curieux même pour le moraliste de les éplucher en détail. Et d'abord, cette première raison qui nous fait cacher nos lai*mes, étaler notre rire. La honte de paraître ému est le plus vieux, le plus tenace ennemi de tout mouvement généreux. N'est-il pas stupéfiant toutefois qu'elle puisse dominer là où chacun va, se foule et s'entasse dans le seul but avoué, convoité, payé, de se faire émouvoir. Viennent ensuite les connaisseurs transcendants, correspon- dants brevetés de Y Echo de Montauban ou du Sylphe de Cahors. Ceux-là n'ont qu'une devise : rien de commun avec le parterre. Ce qui choque ou éloigne les masses, les séduit par un attrait irrésistible. Leur triomphe, en ce genre, a été le succès du Prophète. Par contre, si un chanteur s'élève, se distingue, prend rang dans le monde dilettante, c'est celui-là indubitablement que vont rechercher leurs mépris. L'effet est si constant qu'il peut servir de guide. Il suffit le plus souvent et jamais n'égare. Pour moi, dès que je vois s'allonger la moue dédaigneuse de certain petit feuilletoniste, j'applaudis à coup sûr, me rap- pelant à quel signe on reconnaît les vrais artistes et les bons fromages. Après ceux qu'arrête la peur d'imiter, j'aperçois une pha- lange compacte, inébranlable. C'est l'honnête majorité, le vaste camp des bourgeois, sans parti pris de dénigrement, mais sans le moindre élément de combustibilité. Prenez chacun d'eux à part, sondez ses impressions; vous les trouverez des plus favo-