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                           BIBLIOGRAPHIE.                       511
   M. Soulary renferme presque toujours un tableau complet
dans un seul sonnet ; rarement il lui arrive, débordé par l'idée,
d'ajouter un second sonnet complémentaire du premier, comme
ces vieux maîtres qui peignaient des deux côtés leurs panneaux
volants. Tels sont les sonnets jumeaux de La Pipe et ceux
du Casseur de pierres, idées à double face.
   Chaque vers des Ephémères porte plus ou moins l'empreinte
de cette découpure vive et mordante qui marque les œuvres de
M. Soulary à son sceau, qui les fait siennes et leur donne une
originalité tranchée et indiscutable. Surtout, par dessus tout,
avant tout, le poète a horreur de la cheville et du lieu commun.
Haine sacrée ! que tout écrivain devrait porter dans ses entrailles.
N'est-ce pas assez, bon Dieu ! que le lieu commun nous enve-
loppe, nous étreigne, nous barre à chaque instant le passage
dans la vie réelle, sans le retrouver encore étalé dans les livres
où nous cherchons contre lui un dernier abri ?
   Nous indiquerons parmi les sonnets les plus remarquables des
Ephémères, la Mère, le Fossoyeur, Nessus, Pastorale, Dans la
plaine, l'Horloge, et, pour terminer, on ne peut mieux, cette
appréciation, nous citerons le sonnet Des pas sur le sable :
      C'était un pied mignon, pied de vierge sans doute,
      Mutin, cambré, furtif, se posant finement ;
      Pour trouver Cendrillon au bout, le prince-amant
      Aurait suivi ce pied cent ans de route en route.

      Un pied? non, c'en était la marque seulement.
      Je verrai Cendrillon, dis-je, et, coûte que coûte,
      Me voilà sur sa trace et ebaque pas ajoute
      A la fée idéale un nouvel agrément.

      Je suivis cette empreinte, ainsi, durant deux lieues,
      Tant qu'enfin j'arrivai près du lac aux eaux bleues ;
      Le joli pied s'était arrêté juste au bord.
      De retour, nul indice ! A droite, à gauche, impasse !
      Cendrillon s'était-elle envolée en l'espace?
      Le lac dormait profond, profond comme ta mort !

  Sauf « agrément » qui est faible, ce charmant petit poème
résume la manière de l'auteur et donne surtout une idée de
ses finales, toujours terminées par un trait court, énergique et
profond.                                     Armand FRAISSE.