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                 DISCOURS DE M. BOUILLIER.                  507

contagion funeste, gagner de proche en proche les jeunes
intelligences? Si on étudie encore, ce n'est plus que pour
quelque profit immédiat, pour un grade obligé ; le grade
obtenu, c'en est fait pour toujours des études et des livres.
Où sont-ils encore ceux qui, par amour désintéressé de l'é-
tude, se donnent aux sciences et aux lettres? où sont-ils ceux
qui se passionnent pour quelque question de littérature ou
de philosophie? Est-il donc besoin de rappeler, après tant
d'autres le passage fameux de Cicéron : « Hsec studia ado1
lescentiam alunt ? » En l'absence de ces nobles préoccupa-
tions de l'intelligence, où sera la diversion, le contre-poids
aux basses passions, a la cupidité? Que ne nous est-il donné
de lutter plus efficacement contre un si grand mal et d'en-
tretenir ou de rallumer quelques étincelles dans ces âmes
où l'on voit si promptement tout languir et s'éteindre, sauf
l'ardeur du gain et du plaisir? C'est le but, Messieurs, de
tous nos efforts ; c'est le but que nous poursuivons dans
nos chaires et dans nos livres, chacun dans sa sphère,
chacun dans la mesure de son talent et de ses forces.
   Il est donc bien temps que la Faculté soit délivrée des
entraves matérielles contre lesquelles, malgré tout notre
zèle, il nous est impossible de lutter victorieusement. N'est-il
pas étrange que depuis bientôt vingt ans, nous soyons condam-
nés a faire des cours pour le public à des heures qui ne sont
pas celles du public ? Aussi, vous comprendrez l'impatience
avec laquelle nous voyons s'élever ce palais de la Bourse, qui
en rendant le Palais Saint-Pierre tout entier aux lettres et aux
arts, nous fait espérer, en attendant l'époque plus éloignée
de la construction d'une Sorbonne, d'y trouver enfin une
plus large et plus digne hospitalité. A tout le moins nous
et nos auditeurs, nous ne risquerons plus, comme tous les
jours il arrive, d'être confondus avec la foule qu'y attire un
autre culte que celui des sciences et des lettres.