Revue du Lyonnais » série 2 - n°13 ( 1856 ) » pp.465

             NOTICE SUR GUILLAUME DE THUREY.                465

bel oisel fut tout empenné et commença à voler. Et encore
en volant, prenoient tous les oiseaux, qui de leurs plumes lui
avoient donné, grand' plaisance. Cil bel oiseau, quand il se
vit si au-dessus de plumage, et que tous oiseaux l'hono-
roient, il se commença à enorgueillir, et ne fit compte de
ceux qui fait l'avoient, mais les bequoit et poignoit et con-
trarioit. Les oiseaux se mirent ensemble et parlèrent de cet
oisel qu'ils avoient empenné et cru, et demandèrent l'un à
l'autre quelle chose en éloil bon à faire, car ils lui uvoient
tant donné du leur qu'ils l'avoient si engrandi et enorgueilli
qu'il ne faisoit compte d'eux. A donc, répondit le paon ;
« Il est trop grandement embelli de mon plumage , je re-
« prendrai mes plumes. » — « En nom Dieu, dit le faucon,
je reprendrai les miennes. » Et tous les autres oiseaux aussi
en suivant, chacun dit qu'il reprendroit ce que donné lui
avoit, et lui commencèrent à rétoller et à ôler son plumage.
Quand il vit ce, se humilia grandement et reconnut or primes
que le bien et l'honneur qu'il avoit, et le beau plumage, ne
lui venoit point de lui, car il étoit né au monde nu et povre
de plumage, et bien lui pouvoient ôler ses plumes ceux qui
donné lui avoient, quant ils vouloient. A donc leur cria-l-il
merci, et leur dit que il s'amenderoit... Les gentils oisels qui
emplumé l'avoient en orent pitié quand ils le virent s'humi-
lier, et lui rendirent plumes ceux qui ôtées lui avoient, et lui
dirent : « Nous le veons entre nous volontiers voler, tant que
par humilité lu veuilles ouvrer, car moult bien y afferl ; mais
sçaches que si lu l'en enorgueillis plus , nous te ôterons Ion
plumage, et te mettrons au point où nous le trouvâmes. Ainsi,
beaux seigneurs, disoit Frère Jean aux cardinaux qui éloienl
en sa présence, vous en adviendra, car l'empereur delRome et
d'Allemagne, les rois chrétiens et les hauts princes terriens
vous ont donné les biens et les richesses pour servir Dieu ,
et vous les dispensez en orgueil, en pompes el en superfluilés.

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