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DE GUICHENON. 359 Sforza ! L'heureux et habile condottiere n'eut plus dès lors qu'à échanger son litre de gouverneur des milices de la ré- publique milanaise contre celui de duc de Milan pour devenir le seigneur et maître de celte ville infortunée. Guichenon dissimule autant qu'il le peut les circonstances de ce fait si important dans l'histoire de la Savoie et si fâ- cheux en même temps pour la mémoire du duc Louis. Il tronque son récit en l'entremêlant de détails étrangers pro- pres à détourner, du moins à diviser l'attention du lecteur. Ne voulant ou ne pouvant dévoiler toute la vérité, il se fait obscur à dessein, ne laissant deviner sa pensée que dans une phrase aussi courte que timide : Quant au duc de Savoie, dit-il, quoiqu'il fût au voisinage des Milanais et que la conjoncture fût favorable, il ne s'en sceut prévaloir. Il se hâte ensuite de décorer le duc Louis de toutes les qualités qui peuvent rehausser un prince dans l'estime de la posté- rité. Dans l'appréciation qu'il nous donne sur l'ensemble du règne du duc Louis, il ne craint pas d'avancer qu'il fut aussi glorieux, aussi profitable que celui d'Amédée VIII, son père, témoignage unanimement désavoué par les historiens venus après Guichenon. Jutant, dit M. le marquis Costa de Beau- regard, Amèdèe s'était montré doux, conciliant, ferme et sensé, autant Louis se montra violent, faible, vaniteux et dépourvu de jugement, opinion que confirment pleinement les documents et les faits. Nous avons hasardé cette brève excursion sur l'histoire généalogique de la maison de Savoie dans l'unique but de démontrer que celle composition, faite sous l'empire de la dépendance et des entraves qu'impose à un auteur le titre officiel d'historien, nous paraît, quant à la véracité des faits et des jugements, offrir des garanties beaucoup moins sé- rieuses que l'Histoire de Bresse et de Bugey. Il est temps de sortir du domaine des digressions et de rentrer dans notre sujet. Jules BAUX.