page suivante »
320 M. DE MIRECOURT. dire cette pompeuse invitation : Passez à la caisse des Con- temporains ! Qu'est-elle devenue cette triomphante caisse ? « Où diable avez-vous appris qu'un malheureux écrivain « ait jamais eu douze cents francs en poche? Bref, je « ne paierai donc pas, cher hôte j'ai a satisfaire a des « créances plus sérieuses, plus sacrées et plus saintes. Vous « m'approuverez , j'en suis certain , de ne pas jeter à ces « insertions gourmandes les modestes bénéfices de ma « plume , le bien-être de ma famille, le pain de mes en- « fants. » {Samson, 1). Voila qui est tout à fait attendrissant, et rien d'aussi tou- chant ne s'était vu depuis que l'Intimé présentait a Dandin l'intéressante progéniture de son client. Mais la Caisse , la Caisse des Contemporains , où est-elle ? a-t-elle donc été sauvée, cette malheureuse caisse ? et cet éditeur fantastique, cet éditeur « qui paiera, » disait M. de Mirecourt, s'est-il donc évanoui comme un vain rêve ? Le chemin parcouru par l'infortuné biographe pour arriver à cette piteuse exposition de ses malheurs est curieux a suivre. Au premier moment la gasconnade a le dessus : « Envoyez toucher vos douze cents francs à la caisse , Monsieur ! » Cet élan de fierté est beau comme l'antique ; mais, quand il s'agit de revenir sur ce sublime mouvement, et de passer de la pose théâtrale du ca- pitan a la modeste attitude du débiteur insolvable, M. de Mi- recourt ne sait plus trop comment graduer sa chute. Il com- mence par une querelle d'écolier : « Je n'irai pas payer, il faut « que vous veniez, » puis il déclare qu'il lui paraîtra curieux de voir jusqu'où M. de Girardin poussera l'oubli de ses prin- cipes de liberté ; il plaisante avec une grâce d'ours en cage sur la prison de Clichy, cette charmante retraite; il s'y trouve bien, il ne veut pas en sortir, il ne paiera pas. Puis il chicane sur le prix ; douze cents francs, c'est bien cher; il marchande; enfin, après toutes ces circonlocutions, vient cette déclaration