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M. DE MIRECOURT. 297 Au risque de tomber dans le lieu commun, je citerai deux axiomes célèbres : celui de Voltaire : « On doit des égards aux vivants , on ne doit aux morts que la vérité ! » et celui de Royer-Collard : « La vie privée doit être murée.» Ces deux préceptes ne sont passés en proverbe que parce qu'ils résument sous une forme, concise le droit et le devoir du biographe. J'écarte la question légale de diffamation dont la solution judiciaire n'est pas plus concluante que celle de l'adultère, puisque, dans les deux cas, l'action répressive n'étant exercée que sur la plainte de la partie lésée, la loi est passive et reconnaît implicitement qu'elle n'a que le droit d'intervention et non celui de répression directe. Or, si le législateur a fait preuve de tant de réserve dans cette ques- tion, et s'il a reculé devant le danger de toucher a la vie pri- vée , c'est-à -dire a la liberté innée et inviolable de chacun d'agir h sa guise sans contrevenir aux lois et a la liberté d'autrui, je demande où un homme quelconque, fût-il la vertu, la vérité et la justice incarnées, peut prendre le droit de s'in- troduire dans mon intérieur, dans mes relations intimes, dans ma pensée secrète, dans moi-même, pour peser mes actions, les étaler au grand jour, et violer ma conscience. Je ne connais que deux codes : celui du pays où je vis et celui de la religion que je professe. Si je suis coupable, je suis justiciable de l'une de ces deux législations. Si j'ai commis un crime selon la loi humaine , c'est à la justice humaine de me poursuivre; si j'ai commis un crime contre la loi reli- gieuse, c'est à la justice religieuse de me juger, lorsque je lui soumettrai mon crime. Mais, entre ces deux justices, je n'en connais pas d'autre. Je ne vous reconnais pas plus le droit de vous substituer a l'une, que celui de vous substituer a l'autre. Que je trouve un commissaire de police dans ma maison, visitant mes papiers et mes meubles, en vertu d'ordres reçus, je me soumettrai à la loi, si la loi l'autorise ;