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DE LA DÉCADENCE ROMAINE. 291 dont il entourait ses repas, Néron pût facilement rester a table du milieu du jour jusqu'à celui de la nuit. L'occupation de manger remplissait une partie de sa triste vie , et non seulement il donnait des repas à ses amis, mais il s'invitait parfois chez eux, et l'honneur de sa présence était chère- ment payé. Il en coûta h l'un quatre millions de sesterces pour un mets préparé au miel, et a un autre encore plus pour une liqueur a la rose ? — Suet. 27. Après avoir bu et mangé, le maître du monde ne dédai- gnait pas de faire des farces. Il sortait la nuit avec ses com- pagnons d'orgie, courait les rues et les popines — lieux où l'on donnait à manger — et les passants étaient victimes d'affreuses plaisanteries , quand il lui prenait fantaisie, par exemple, de les jeter dans les égoûts. Les alentours dupons milvius—aujourd'hui ponte molle <—servaient alors de lieu de rendez-vous aux viveurs qui venaient la nuit y prendre leurs ébats. Néron y accourait aussi et trouvait, plus facile- ment que dans la ville, matière a ses amusements nocturnes. — Suet. 26. — Tacit. ann. xm. 47. Vitellius, si célèbre par sa gourmandise , faisait trois et souvent quatre repas par jour : Jentacula, el prandia et cœnas, commissalionesque. Il suffisait a tout par l'habitude qu'il avait de vomir. Quand il s'invitait chez ses favoris, ceux-ci étaient obligés de dépenser des sonimes immenses. Le plus fameux de ces festins fut donné par son frère, pour célébrer sa bien-venue. On y servit deux mille poissons des plus recherchés et sept mille oiseaux. Ce qui parut le plus merveilleux fut un plat d'une grandeur extraordinaire, que l'on appela le bouclier de Minerve. H était garai de foies de scares, de cervelles de faisans et de paons , de langues de phénicoptères, de laitances de murènes, pêchées de tous côtés, depuis le pont Euxin jusque sur les côtes d'Espagne. Ce plat, simplement en terre , coûta cependant un million de