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278              DE LA DÉCADENCE ROMAINE.

neuse ayant le vin pour antidote, la victime, stupidement
volontaire, craignant l'effet du poison, était forcée de boire
a tout prix, si elle ne voulait pas rester véritablement em-
poisonnée. Comme il y avait un grand honneur à boire beau-
coup de vin, et que souvent on engageait des paris, certa-
mina bibendi, les jouteurs employaient alors les moyens les
plus singuliers, afin de l'emporter sur leurs adversaires.
C'est probablement dans ce cas que la ciguë jouait son rôle.
On avalait aussi delà poudre de pierre ponce. L'effet de cette
poussière était tel que si on ne la noyait pas dans une immense
quantité de vin, on risquait d'en mourir. Ces artifices venaient
simplement au secours de ceux qui voulaient vaincre des
rivaux ou conserver leur réputation de buveurs, mais loin
de procurer des jouissances matérielles, ils devaient au con-
traire être très-pénibles. Le ridicule amour-propre des lut-
teurs mettait la victoire au-dessus des souffrances et même
de la vie. —Senec. ep. 95 — Lamp. in Heliog. 19—Plin. xiv,
28 — xxv, 95 — xxni, 23 — xxxvi, 42.
    Ces diverses pratiques n'aboutissaient qu'à faire de l'homme
un patient condamné au supplice de devenir une outre gonflée
de vin. Pour résoudre le problème de la jouissance, il fallait
donc inventer des moyens de provoquer réellement la soif.
On n'avait plus aucune honte, tant on regardait comme chose
naturelle la recherche des plaisirs les plus brutaux. Il paraît
que, parmi ces excitants, il y en avait de tellement abomi-
nables que la pudeur de Pline ne lui permet pas d'en parler,
 et quœ rcferendo pudet docere. Les hommes qui voulaient y
mettre un peu de prudence et de modération se contentaient
 de bains extrêmement chauds. Quand ils étaient presque
cuits et près de rendre l'âme, ils sortaient de l'eau, et sans
 se mettre sur leur lit, sans même prendre le temps de passer
 une tunique, dans un état complet de nudité, altérés et ha-
 letants, ils se faisaient apporter d'immenses vases de vin,