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270                          ARCHÉOLOGIE.
d'autre remède à ses maux que de se donner la mort en se
perçant de son épée (1).
   La légende s'embellit par la suite d'une foule de circonstances
qui lui servaient pour ainsi dire de pièces probantes ; on mon-
trait à la porte de Lyon la tour où le maudit avait été enfermé
et lié de cordes, on voyait l'eau bouillonner encore et menacer
d'engloutir les bateaux à l'endroit même où son corps avait
été précipité dans le Rhône. Il n'est pas jusqu'à la pyramide
romaine que l'on aperçoit auprès de cette ville, qui ne prît le
nom de Pyramide de Pilate et ne passât pour avoir été cons-
truite au milieu des jardins entourant son logis (2). Non seu-
lement Pilate avait acquis droit de cité dans Vienne, mais on
voulait encore qu'il n'y eût été relégué que parce que c'était le
propre lieu de sa naissance.
   Il n'est donc pas surprenant que le vulgaire, toujours enclin à
peupler les vieux édifices de personnages mystérieux, se soit mis
en tête que le temple romain avait été le prétoire où siégeait ce
terrible juge. C'est là que , revêtu des insignes de sa dignité et
le bâton magistral à la main, il dictait ses arrêts en attendant
que le ciel eût prononcé le sien. Cette idée est bizarre sans doute
mais elle nous semble trop clairement exprimée par l'inscription
pour qu'il soit possible d'en contester l'existence et la réalité.
   Telle n'a pas été cependant l'opinion de notre savant et re-
grettable ami, M. Delorme ; l'inscription lui a paru trop absurde
pour mériter une explication et il ne s'est attaché qu'à l'espèce
de traduction qu'en avait donnée Jean Le Lièvre. Une fois sur
ce terrain , nous allons voir jusqu'où l'interprétation du mot
Pomerium l'a entraîné.
   « Ce nom appartient à la basse latinité, et désigne comme
  (1) Pilatus qui sententiam damnationis in Cliristum dixerat, et ipse per-
petuo exilio Viennœ recluditur : tantis que ihi, irrogante Caio , angoribus
coarctatus est, ut sua se transverberans manu, malorum compendium
mortis celeritate quaesierit. Adonis Viennensis archiepiscopi Brcviarum
chronicorum ; Parisiis 1561, in-8, p. 114.
  (2) André du Chesne, les Antiquitez des Villes et Chasteaux de France ;
Paris, 1637, in-8, p. 835.