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244 LA DAME U'tJllFÉ. midi, elle avait formé un vaste demi-cercle dont la pointe se trouvait non loin de Feurs. Pour revenir chez lui , Isambert se dirigea vers le couchant ; il se rapprocha du Lignon qu'il avait traversé, e t , remontant son cours, il rentra dans le grand bois de pins qui couvrait la contrée. Il suivait un petit sentier, marchant au grand pas de son che- val, et songeant aux nouvelles qu'il allait apprendre, lorsqu'à un tournant du chemin , il vit, à vingt pas devant l u i , un de ses hommes d'armes. Celui-ci voulut fuir ; il n'était plus temps. — Où vas-tu et d'où viens-tu? dit Isambert. — Je vais voir un de mes amis qui demeure ici près, dit le soldat. — Et tu portes ton costume de guerre et tes armes, comme si tu allais détrousser les passants ? — Les chemins ne sont pas sûrs, Messire. — Pourquoi fuyais-tu en me voyant? — Je craignais de vous déplaire. — Tu n'as pas de permission ? — Non, Monseigneur. — Et que portes-tu dans ce sac, qui bouge et qui remue ? — Ce sont des louveteaux, Messire, que je porte noyer. — Des louveteaux en ce temps-ci V Fais-les moi voir. Le soldat hésitait ; mais le cavalier tenait à la main son épieu de chasse et il manquait rarement son coup. — Où est la mère de ces louveteaux ? Où as-tu pris ce nid? — C'est une louve apprivoisée. — Tu mens, dit Isambert. Le soldat aurait bien voulu d'un coup de hache d'armes se débarrasser de l'importun questionneur ; mais le chevalier était trop prudent pour se laisser surprendre ; dans ces temps de luttes intérieures, dans ces grands bois, dans ces sentiers isolés, tout homme pouvait devenir un ennemi, toute rencontre pou- vait être dangereuse , et Isambert, sans avoir aucun soupçon, tenait son arme prête à tout événement ; sans combat, le soldat se sentait vaincu.