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236 LA DAME U'UltFÉ. — Avez-vaus entendu le gabeur, disait le sire d'Epinac , il vendait des fioles pour rendre les femmes fidèles. Allez, maître, lui ai-je dit, vous êtes aussi voleur que mon garde-note que je veux voir un jour pendu à la plus haute branche d'un chêne. — N'avez-vous pas d'autres histoires à nous faire? dit sévère- ment Hirmantride ; dans votre pays de Bourgogne je n'ai pas encore entendu un discours sensé et pas une plaisanterie qui ne fût contre les femmes. — La dame d'Urfé voudrait-elle qu'on lui parlât de la grâce ou du libre arbitre ? dit en souriant un jeune page gâté et mutin. — En Allemagne on respecte les femmes ; il est vrai que. là -bas les femmes savent se faire respecter. — Si on va toujours nous mettre en présence la Bourgogne et la Souabc, ajouta le petit page en faisant un geste moqueur, je quitte, la Bourgogne et je passe le Rhin. Le son du cor retentit dans tout le château. — Allons souper, dit Isambert ; Madame , vous offriraî-je la main ? — On ne vous a pas vu, messire, depuis notre arrivée ? — Belle dame, je viens de porter consolation à cœur affligé ; il faut un habile médecin pour guérir les blessures que vous faites. — Me parlez-vous de cette femme, messire ? Tout le château à l'air consterné de ce qu'à cette éhontée j'ai osé dire la vérité. — Madame, cette femme est la fille du majordome ; c'est ma compagne d'enfance, c'est l'épouse la plus pure que je connaisse, et cette insulte que vous lui avez faite , j'en ai pris ma part, mon cœur en a saigné ; mais elle ! — Je maintiens mon premier dire, messire, elle est coupable. Dans mon pays, à femme coupable on donne le mépris , et le simple soupçon est une tache. Dans votre pays de Bourgogne les mœurs sont moins sévères ; mais dans mon oratoire je me confinerai et désormais n'aurai plus à rougir ni des propos de vos chevaliers ni de la conduite de vos dames.