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                         LA DAME D'URFÉ.                         231
   — Oh ! les voilà qui arrivent, Aubry; descendons vite. Regarde
par cette lucarne eomrue tout ça brille là-bas dans le lointain !
   — Tiens-toi à la corde, ma fille ; ne marche pas sur ta robe,
c'est ta plus belle. Je t'en avais promis une pour Pâques, tu l'au-
ras à la Noël.
   — Vois, mon a m i , le beau coup d'œil que présentent les
hommes d'armes et les vassaux. C'est toi pourtant qui as ordon-
nancé tout cela. Tu serais le premier homme du monde, si tu
rendais moins souvent visite à la cave de Monseigneur.
   L'heureux couple traversa la cour du château de la Bâtie. Dame
Gertrude alla s'établir auprès de sa fille ; maître Aubry, avec toute
la dignité [que lui donnait sa position , s'avança , environné de
pages et d'écuyers , jusqu'à l'entrée du pont jeté sur la rivière
qui entourait les quatre côtés du château.
   Sous les grands arbres séculaires dont le feuillage se reflétait
dans les eaux du Lignon, des cimiers, des casques, des cuirasses
brillaient, mêlés aux longs voiles brodés, aux manteaux de ve-
lours, aux écharpes de soie, à toutes les étoffes de l'industrieuse
Italie. Une longue file de dames et de seigneurs arrivaient suivis
d'hommes d'armes, et, à la tête du cortège, se voyaient, attirant
tous les regards, haut et puissant seigneur Isambert d'Urfé, vail-
lant guerrier, joyeux chasseur, également habile à ranger ses
chevaliers sur le champ de bataille et à guider ses chiens dans
la profondeur des forêts , e t , à ses côtés , sa jeune épouse, la
blonde Hirmantridc, mariée depuis six mois à peine , pâle et
souffrante, son voile au vent, le faucon sur le poing, et montant
un doux palefroi que sa main légère tenait toujours auprès du
coursier de son époux.
   — Noël à Monseigneur et à sa noble dame ! criait la foule, et
chacun se précipitait sur les pas des chevaux pour voir de plus
près la jeune femme que leur amenait leur seigneur tant aimé.
   — Voici des bouquets et des fruits ! disaient les petites filles
et les petits garçons, parés de leurs plus beaux habits ; voici nos
enfants que nous élèverons pour vous ! disaient les jeunes mères ;
voici nos jeunes filles et nos jeunes garçons ! disaient les vieil-
lards ; ils sauront vous aimer, noble dame ; ils sauront se battre,