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      Est-ce une illusion ! est-ce un fatal mensonge ?
      Mon frère ! Cette main ne l'a point immolé ! »
      Je vais me réveiller do cet horrible songe ;
      Dans les bras maternels Abel m'a rappelé.
      Venez, mes blancs troupeaux, à la source limpide,
      Sous les dattiers féconds mon frère me sourit !..
      Non, ce n'est plus Abel ; c'est le trépas livide !
                Je suis maudit.

      La mort ! qu'est donc la mort ? un sommeil sans torture.
      ïl ne souffrira pas dans son heureux tombeau !
      Leurs larmes baigneront sa douce sépulture !
      Le ciel lui fit toujours le destin le plus beau !
      Enfant il contemplait les anges de lumière ;
      Moi, des spectres affreux ont entouré mon lit !
      Au crime dévoué dès le sein de ma mère,
                 Je suis maudit.

      Qu'il doit bien te payer tes nombreux sacrifices
      Ce Dieu qui pour Caïn réservait son courroux !
      Savoure, triomphant, ses superbes délices,
      Et que le seul Caïn soit en butte à ses coups.
      A toi les champs d'azur que le bonheur inonde ;
      A toi les descendants que Jéhovah bénit !
      A moi le désespoir ; à moi l'horreur du monde ;
                 Je suis maudit.

      Si je voulais encor, le front dans la poussière,
      Incliner mon orgueil et fléchir les genoux,
      Le sang s'effacerait peut-être à ma prière...
      Mais d'un servile Eden je ne suis point jaloux.
      Caïn, ô Dieu d'Abel, se rit de tes atteintes ;
      Garde Abel dans tes cieux ; te haïr me suffit !
      Frappe . j e tomberai sans repentir, sans craintes;
                 Je suis maudit. »

      Tandis qu'il blasphémait, bien loin de notre sphère,
      Dans le divin séjour aux douleurs interdit,
      Aux pieds de l'Eternel, en des flots do lumière,
             Abel priait pour le maudit !!!
                                                 Adèle GENTON.