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90 LE PAYSAN, Gette existence est belle, amis, que vous en semble? Vous aimez*donc les toits dorés, Tumulte, chars, coursiers, le faste qui rassemble Ses papillons évaporés ? Le bouge aérien, où l'humide froidure Fait grelotter un souffreteux, Le lupanar infect, la vie austère et dure De l'ouvrier nécessiteux? Le laboureur, sortant de sa couche grossière, De sa cabane, étroit réduit, Voit d'un large horizon s'épancher la lumière Et le soleil naissant qui luit ; Il hume à pleins poumons, sous la zone éthérée, L'aurore et ses fraîches senteurs, Et vit au sein de l'air, dans la plaine altérée, Qui gerce aux brûlantes ardeurs. Humble pâtre en naissant, errant à l'aventure, Bravant l'orage et les autans, A sa mâle vigueur préluda la nature Pour les labeurs d'un autre temps. Quand le pays le veut, en phalange immortelle, Il sait aussi vaincre et souffrir ; Patient, plein de cœur, la fortune infidèle Sans frissonner l'a vu mourir. I! vint comme un seul homme, alors que le vertige Saisissait un peuple ébranlé, En heurtant, de son vote, un sinistre prestige Dans le cahos entremêlé ; Et son héros , porté sur ses larges épaules , Du haut de ses pavois d'airain, Nous a fait resplendir, jusqu'aux glaces des pôles, Comme un arbitre souverain.