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                     LE VENDREDI-SAINT.                      75

 les ardeurs dévorantes d'un jour d'été. Ce jour du Vendredi-
 Saint était destiné d'avance a ne faire naître en nous que de
tristes impressions. 11 y avait, dans la suite de nos émotions,
une logique que la tendance de notre esprit avait seul fait naî-
tre. Après le Colysée les Catacombes, après avoir ainsi vénéré
le théâtre des martyrs chrétiens, nous voulûmes rendre hom-
mage au souvenir d'un génie malheureux ; avec quel respect
douloureux, après avoir passé par toutes les lugubres émo-
tions de la foi, nous montâmes les rues humides et garnies
d'herbes qui conduisent au couvent de Saint-Onofrio ! Sous
ces portiques déserts, dans cette chapelle, se trouvent entas-
sés pêle-mêle les chefs-d'œuvre d'Ànnibal Carrache, du Guide,
du Dominiquin, du chevalier d'Arpino, de Léonard de Vinci.
En dépit de toutes ces tombes de princes et de cardinaux que
l'on foule comme l'herbe de nos prairies, involontairement se
dresse continuellement devant vos yeux la triste et malheu-
reuse figure du Tasse, comme une lugubre pensée au milieu
des joies de la vie.
    Le couvent de Saint-Onofrio domine les sommets du Giani-
colo, l'antique Janicule. A vos pieds serpente le Tibre comme
un immense reptile aux fauves écailles. De ces cimes poétisées
par la gloire et l'infortune, l'œil se repose sur une suite de
jardins disposés comme les larges marches fleuries d'un co-
lossal escalier au pied duquel s'étend Rome avec son incom-
mensurable horison de tours, de dômes, d'obélisques ceint
par la sombre campagne du Latium, les riches coteaux de Ti-
voli, de Frascati, la chaîne des Appenins et les cimes neigeu-
ses du Soracte. C'est dans ce lieu enchanté que le Tasse voulut
mourir. Au moment où il vint à Rome le cardinal Cinthio Al-
dobrandini, neveu de Clément VIII, pour relever son esprit
abattu par d'incomparables infortunes, voulut le faire couron-
ner au Capitole, a l'exemple de l'amant de Laure. « C'est un
« cercueil, répondit le grand poète, qu'il faut me préparer et