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16               DE LA POÉSIE ET OU STYLE

gracieux, innocent: le respect des enfants et des femmes ;
le respect de toute chose qui porte dans sa beauté le ca-
ractère du divin. Ce sentiment du respect, loin d'être un des
caractères de l'abaissement et de la servitude, a sa source
première dans le sentiment de la dignité humaine, dans la
fierté individuelle. Le vrai respect n'existe qu'avec la force
et la liberté. Les âmes les plus héroïques, les plus Aères sont
celles" qui connaissent le mieux le sentiment du respect.
Nulle part la vieillesse n'était honorée comme à Sparte et
dans les beaux siècles de Rome ; c'est la puissante individua
lité de l'homme du moyen âge, c'est l'âme indomptable du
chevalier qui a créé le culte de la femme. Le sentiment du
respect commence par le respect de soi-même, de sa di-
gnité personnelle ; il est lié au sentiment de l'honneur. La
soumission de l'esclave est un avilissement, l'homme libre
peut seul pratiquer le respect. La poésie suppose une âme
capable de respect ; c'est-a-dire une âme fière et enthousiaste,
ouverte a la sympathie, à l'admiration, placée, en un mot,
à l'extrême opposé de l'Ironie. L'ironie, le contraire du res-
pect, est l'état des esprits subversifs et des époques où règne
l'esprit de destruction. Quand les pouvoirs, la hiérarchie,
les croyances, les traditions deviennent un objet de moque-
rie et de dédain, que les hommes sont pleins de soupçons
vis-a-vis les uns des autres, que nul ne croit plus a la vertu
 et à la bienveillance de son semblable, dès lors ce senti-
 ment que nous avons nommé l'ironie a remplacé, dans la
 littérature comme dans les caractères, l'antique respect, prin-
 cipe des époques de création et des âmes fortes. Etne croyons
 pas que l'ironie soit un indice d'indépendance véritable dans
 les esprits, ou même de liberté dans l'état ; c'est là une er-
 reur assez commune, et pareille k celle qui fait considérer le
 respect, l'admiration, la vénération religieuse comme l'apa-
 nage des âmes faibles. En général les cœurs portés à l'iro-