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DE LA POÉSIE ET DU STYLE AU XVIII e SIÈCLE. 11 s'est terminée dans une immense et terrible bataille. C'est que la littérature du XVIIIe siècle avait son but tout à fait en dehors de la littérature elle-même ; de là sa faiblesse et aussi sa grandeur. Elle songeait moins à devenir une œuvre d'art durable, qu'a être une grande machine de guerre ; quitte à s'écrouler elle-même avec les abus qu'elle aurait détruits et les ruines qu'elle aurait faites. Jamais écrivains d'une même époque, à travers les dissidences et les haines, n'ont marché avec plus de concert a une même conclusion. Aussi est-il impossible de juger parmi eux un nom de quelque impor- tance, sans être amené a faire le procès au siècle tout entier. Or, le XVIIIe siècle dure toujours ; les jugements qu'on en porte ne peuvent être encore le jugement de l'histoire ; j'y vois ou des apologies ou des accusations ; c'est-a-dire la lutte même des idées, des passions, des intérêts qui agitent la société de notre temps. Sans vouloir toucher a la théologie , a la politique , aux problèmes sociaux, nous rencontrons, à propos de style, d'art et de poésie, les mêmes questions morales , mais dé- gagées des irritations qui les compliquent sur un autre terrain, et par cela même plus faciles a la fois et plus instructives. L'état des mœurs, la grandeur ou l'abaissement des carac- tères , la situation des âmes vis a vis de la vérité religieuse, tout cela se peint dans le style, dans les tableaux des poètes et des peintres aussi clairement que dans les manifestes des philosophes et des publicistes. Ce n'est pas seulement dans son ensemble et par les idées que la littérature est l'expression de la société , c'est aussi par les conditions de forme et de langage, et dans les détails de l'art qui semblent de prime-abord les plus étrangers au mouvement religieux et politique, La littérature exprime la vie sociale jusque par les accidents et les caprices du style. L'art est la physionomie