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UNE PROMENADE DANS LES JARDINS FARNÈSE. 235 me ; je suis son développement successif sur les sept collines, et j'arrive enfin à l'enceinte actuelle, dont le tracé date pro- bablement de l'époque d'Aurélien. Me voici tout naturellement conduit aux temps héroïques du christianisme primitif, règne des légendes, dont quelques-unes sont remplies de poésie, pourvu toutefois qu'elles ne passent pas par la bouche immonde des cicérones, des custodes et des frati. Puisque je suis entrain de faire ma confession,je vais avouer un travers qui scandalisera horriblement une foule de braves gens, et surtout le commis-voyageur. Je tremble de voir le progrès s'emparer de Rome. J'adore ces rives du Tibre, privées de quais, bordées de masures aux formes les plus capricieuses, plantées sans ordre, sans alignement, baignant leurs pieds dans les eaux jaunâtres du fleuve, ou fondées sur des amas de dé- tritus qui, en certains endroits, forment de petites plages ; ainsi qu'à la Regola, d'où la pointe de l'île Saint-Barthélémy produit un effet si pittoresque. Je serais désolé de voir remplacer ces admirables sujets d'études, ces terrains accidentés, ces voûtes tapissées de mousse et d'humidité, par des murailles de quais verticales, et des maisons de six ou sept étages ; j'aime bien mieux traverser le Tibre dans les barchelte de la Farnesifla et du port de Ripetta, que sur des ponts suspendus, une des choses les plus disgracieuses que je sache. Mais je préfère ne pas le passer du tout, plutôt que de voir le ponte Botlo, joint à la rive du Temple de la Fortune virile — fondation de Servius Tullius — par une misérable passerelle. Rien n'est laid, à mon avis, comme cette ligne horizontale, raide et maigre, qui constitue la travée d'un pont suspendu. Ce crime de lèze-archéologie était en projet, il y a quelques trois ou quatre ans. Heureusement, M. Mazzini y a mis bon ordre pour longtemps, en faisant dis- paraître l'infâme capital. On fonde les ponts, les maisons de sept étages et les murailles de quais, non sur du papier, mais sur de l'argent métallique. Je sais un gré infini à ce vertueux citoyen d'avoir arrêté le développement du progrès. Je le de- mande à tous ceux qui connaissent un peu Rome, à ceux qui partagent le moins mes affreux travers, et qui ont passé, sans