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483 tes lèvres la fatidique harmonie, muette depuis de longs siècles, ils t'environnaient de lumière le grand voyage. Tu te souviens du jour où, dans ses mystérieux desseins , le Seigneur, au pied du Liban, te demanda comme un holo- causte de charité ta fille bien-aimêe! Tu te souviens du jour où lu t'efforças d'adoucir à ta chère compagne les rigueurs du sort, et où, affligé comme Jérémie, il te fallut, brisé par le deuil, pleurer sur la froide tombe de ta fille éteinte! Tu entendis, à cette heure de pleurs, une harpe secrète retentir dans la vallée, et verser en ton ame la consolation et la force. C'était la harpe du saint poète, du chantre couronné, qui, ému et attendri, répondait du haut des cieux aux plaintes du chantre français, et, de l'Orient répandait ta douleur par toute l'Europe. En de tels souvenirs, ta vie est un hymne incessant pour ma pensée, et ne cesse de l'être encore maintenant que , revenu au sein de Paris, tu montes à la tribune, et que, versant des flots d'éloquence, tu affer- mis les droits sacrés de la patrie. Elle n'est pas éteinte, la flamme qui échauffa ton ame au foyer de Ja poésie ; elle t'incite môme à de plus fortes pensées. Dérouler les mystè- res de la nature, interpréter les graves et renaissants de- voirs de la vie civile, peser dans la balance de la justice les discordants désirs des peuples et des rois, et ouvrir à nos neveux un nouveau champ de gloire, voilà les soins de la sagesse, l'auguste enseignement qui doit en tout âge éterni- ser un poète. Exilé et embrasé de colère gibeline , le malheureux Àlighieri errait incertain, et dans toute contrée tonnait sur les destins de l'Italie avec la voix d'un dieu fort. Il mania dans la guerre civile et l'épée et la plume, puis, gémissant sur la patrie divisée, il donna au monde, en la plus belle langue de l'amour, le divin poème qui jaillit des luttes d'un âge cruel , comme du noir cahos s'éleva avec les harmonies