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215 Ce côté sérieux de son esprit éclate en plus d'un endroit de ses Poésies, et devient une préoccupation dans le Dernier Jour. Aussi bien M. Reboul a-l-il autour de lui d'assez imposantes ruines pour que son esprit, indépendamment d'une pente na- turelle, se colore d'une large teinte de tristesse. Là , près de lui et presque sous ses yeux, se dressent les Arènes, vaste et magnifique amphithéâtre, sur lequel les populations gallo-ro- maines s'étageaient avidement, alors qu'un monde en déca- dence montrait plus d'ardeur pour les luttes matérielles que pour les spectacles où l'intelligence est en jeu, et préférait le rugissement des panthères et des lions africains aux nobles sons de la voix humaine. Combien de fois la foule se renouvela par ces larges vomitoires ! Combien de jeunes vierges se pres- sèrent sur ces gradins pour applaudir le gladiateur qui tom- bait avec grâce! Que n'y eut-il pas là dans celle vaste enceinte^ arrondie pour enfermer vingt-cinq mille hommes ! Que de scènes étranges, que de spectacles divers ces degrés n'ont-ils pas vus, depuis les chrétiens que l'on jetait aux bêtes , depuis les barbares du Septentrion jusqu'aux Sarrasins qui y ont laissé des traces de leur campement ; depuis les Chevaliers qui s'y installèrent, jusqu'aux pauvres familles que l'on en a exilées et aux baladins qui s'y montrent de temps en temps , ou bien aux torreadores, dont le Midi aime toujours les san- glantes et hideuses luttes? Etrange misère de notre humanité ! Sur ces pierres que le temps corrode et brise, sur ces gradins croulants, il est des noms qui cherchent à s'abriter contre la mort, Noms obscurs qui, des temps prévoyant le reflux, Etreignent ce qui meurt pour vivre un jour de plus. Et ce n'est pas ici la gloire ou la puissance, Les favoris du glaive ou de l'intelligence ; D'ouvriers voyageurs on y lit l'humble nom, Avec les attributs de leur profession. Leur couteau de la pointe a creusé chaque lettre Dont la forme vous dit l'âge qui les vit naître.