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 meur la plus récalcitrante. Il refusait obstinément les remèdes qui
 lui étaient présentés, no voulait s'assujétir à aucun pansement; à au-
 cun traitement. Toutes les instances qu'on pouvait faire auprès de
 lui pour vaincre son étrange opiniâtreté demeuraient inutiles. Ne
 sachant pas un mot do français, il n'avait qu'une réponse à tout :
 Brandwin ! Brandwin ! Avec la finesse de pénétration qui Io
 caractérisait, Bouchot devina qu'il ferait tourner à l'avantage de cet
 entêté la dangereuse fantaisie qui le tourmentait. 11 lui fit donner une
 bouteille d'eau-de-vie. Aussitôt notre cosaque en avala quelques
gorgées, mais il ne tarda pas à éprouver un mal affreux qui lui fit
 comprendre que le brandwin était un assez mauvais cordial. De co
 moment il se soumit comme un enfant à tout ce qu'on exigea de lui
et sa docilité le sauva. Quand sa guérison fut assurée, Bouchet cessa
do s'occuper do co singulier personnage dont la convalescence se
termina en peu de temps. Mais ce fut bien une autre difficulté ! il
mettait autant d'obstination à rester qu'il en avait d'abord montré
à repousser les soins dont il avait été l'objet. Injonctions, priè-
res , ordres, menaces, rien D'y faisait. Tout ce qu'on pouvait
obtenir de lui, c'était cette exclamation : Major ! major ! On com-
prit à la fin qu'il voulait peut-être parler au major. On en prévint
Bouchot qui se rendit auprès de l'obstiné cosaque. Dès que celui-ci
aperçut son major, il se précipita au devant do lui, saisit une de
ses mains qu'il serra dans les siennes, de grosses larmes roulèrent
dans ses yeux; puis, se relevant comme s'il venait d'être déchargé
d'un poids énorme, comme un homme satisfait d'avoir pu accomplir
un devoir, il dit : Partir ! et il partit. Qu'on nous cite beaucoup
de traits d'éloquence aussi sublimes que la touchante pantomime de
ce barbare?
  Nous avons dit ailleurs (1) par quel acte de patriotique bienfai-
sance Bouchet avait empêché, en 1814, de malheureux soldats fran-
çais de tomber au pouvoir de l'armée autrichienne. Ce n'est pas sans

   [1) Lorsque la retraite d'Augereau livra la ville de Lyon à l'armée autri-
chienne, ce maréchal ne pensa point aux soldats blessés ou malades que ren-
fermaient nos divers hôpitaux. Dix-huit de ces malheureux furent oubliés à
l'Hôtel-Dieu et seraient devenus prisonniers do guerre si Bouchet n'avait en-