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482 famille fatiguée, et va parlant de pêches, de récoltes, de troupeaux laineux; puis afin de nourrir ses fils de magnani- mes pensées, il leur redit les souffrances et les gestes du héros qui naquit et grandit entre l'hameçon et l'arc, au milieu de ces hauts rochers, et qui soutînt les droits de l'Helvétie, combattit les tyrans. Vive Tell ! entends-je crier tous ensemble ses enfants transportés. Ce cri, il est la voix des hauts faits des ancêtres, la joie des simples festins et des danses pastorales. Oh ! ce cri, il change en un temple la chaumière inculte. Et vive Tell ! voilà que l'amour de la patrie descend et trouve sur une modeste pierre un autel pur, comme il n'en peut avoir dans les cités affairées, où les pensées vénales et une folle ambition abrutissent l'esprit des malheureux mortels. 0 ma chère Helvétie ! quels mystères de sagesse tu révèles à mon ame malade. Parle-moi toujours, 6 Helvétie, parle-moi avec tes monts, avec tes lacs. Sous ton beau ciel, je pense avec colère aux jours que je traînai dans le tumulte et les vivat des salles remplies, et je n'appelle plus que la solitude, le silence, ma lyre et Dieu. S'il arrive jamais que ces vallées et ces monts, agréables par leurs ombrages et leurs eaux , refusent à mon destin leur sublime langage, alors, avec les pleurs d'un infortuné jeune homme enlevé à une tendre amie , j'irai seul et malheureux chercher l'immense solitude des mers et des déserts. Tu la connnais, ô Alphonse. Àh 1 que tu es heureux, toi à qui le destin accorda de voguer sur la mer d'Ionie, et d'a- border aux célèbres rivages de la Grèce. Àh ! que tu es heu- reux, toi qui, errant aux sables brûlants des contrées Orien- tales, as pu t'asseoir sur les bords du fameux Jourdain, embrasser les cèdres du Liban, puis, dans l'esclave cité de Sion, baiser le saint tombeau du Christ. Vers toi venaient émerveillées les ombres joyeuses des antiques voyants, ils t'écoutaient dans le royaume des prodiges, et, éveillant sur