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468 développées; toute œuvre épique est empruntée en grande partie aux traditions. C'est sous la condition de résumer dans un moule harmonieux les idées que son époque a reçues des siècles passés et celles qu'elle possède en propre, qu'un poète est compris jusqu'à l'enthousiasme par ses contemporains. A cet élément traditionnel le génie en ajoute un autre en quelque sorte prophétique qui empiète sur les idées et les sentiments de l'avenir. M. Ozanam nous montre admirablement ce triple rapport de la philosophie de Dante avec les systèmes de ses contemporains, de ses devanciers et ceux de notre âge; il établit les analogies qu'elle a avec les doctrines orien- tales et les diverses écoles de l'antiquité. Quoique adoptant avec tout son siècle la suzeraineté intellectuelle d'Aristote, Dante, pour son aspiration continuelle vers l'idéal, dans ses trois formes, le bien, le vrai et le heau, peut être en quelque sorte classé parmi les plus illustres disciples de Platon ; quant aux philosophes du moyen-âge, c'est à saint Bonaventnre et à saint Thomas d'Aquin, comme à leur double source, que se rapportent le mysticisme et le dogmatisme mélangés dans les écrits de Dante. L'empirisme et le rationalisme de nos jours ont aussi payé tribut par avance au lumineux éclectisme du poète. Les questions les plus élevées, que les penseurs des derniers siècles se flattent d'avoir résolues, l'égalité de tous les hommes, l'u- nité de la société humaine, l'indépendance du pouvoir spirituel et et temporel ont été envisagées par Dante de façon à ôter aux so- lutions modernes l'honneur de la nouveauté. On trouve chez lui en germe plus d'une de ces théories que notre époque n'a pas vu pro- duire sans quelque effroi par nos socialistes les plus audacieux. Une question suprême était à examiner en jugeant le génie de Dante, c'est celle de sa fidélité à la foi religieuse du monde catholique; cette question, si controversée par tous ceux qui ont écrit sur ce poète, a été résolue par M. Ozanam dans le sens de l'orthodoxie, et nous croyons qu'il en donne des preuves assez solides pour que ce point demeure désormais acquis à l'histoire. Ce qu'il y a au moins d'in- contestable c'est qu'on voit ressortir des œuvres de Dante l'intention de rester dans la foi romaine et la pensée de n'en être jamais sorti, c'est que l'Italie catholique l'a toujours revendiqué comme un de ses