page suivante »
351 deux à la glorification de la chair, à la déchéance de l'esprit rigoriste du catholicisme. Raphaël continue à peine la tradition de l'Église; il est bien encore l'héritier du Pérugin et de Fra-Angelico ; sa peinture n'a pas tout-à -fail oublié la douleur des Catacombes, les cellules austères du XIVe siècle, îe Campo-Santo des Pisans ni les joies divines du martyr; mais on sent en elle plus de vie, plus de chaleur, plus de volupté ; elle sourit aux joies profanes du siècle de Léon X; elle aide à la résurrection de l'amour; elle aime plus qu'elle n'adore. Ses vierges reproduisent, dans d'ad- mirables contours, les formes délicieuses de la Fornarina. Dans ses fresques historiques et symboliques, qu'on a nom- mées les Chambres de Raphaël^ il a introduit la tête étrangère de Dante, comme ailleurs la philosophie antique personnifiée en Platon. Michel-Ange, au contraire, date de lui seul ; c'est un maître improvisé, indépendant, fier parce qu'il est toujours seul, impérieux et respirant la vengeance, comme le génie de Gré- goire VIL, imposant son œuvre et sa domination comme la papauté à la terre, véhément comme Savonarole,rude comme Dante, sans maître et sans héritier, rejetant la tradition et s'isolant dans des chefs-d'œuvre. Ainsi, dans l'art, l'esprit humain échappait à l'empire tyran- nique de la foi ; dans la littérature, il remontait également aux croyances payennes. L'élément profane était sans doute nécessaire pour mûrir et dorer ces beaux fruits de la littéra- ture et de l'art, trop longtemps arrêtés par la froide atmos- phère du cénacle. Mais, comme toutes les idées nouvelles, l'idée antique devenue une réaction éclata trop puissamment ; elle absorba l'élément religieux et moderne. Alors l'épopée romantique envahit le poème ; la langue latine fleurit en Ita- lie avec les phrases les plus ciceroniennes ; on alla puiser les froides règles de l'argument dans les livres d'Aristote, contre lesquels Luther combattit avec tant de force comme personnification de la scholaslique, et l'appelant « un maître