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 deux à la glorification de la chair, à la déchéance de l'esprit
 rigoriste du catholicisme.
    Raphaël continue à peine la tradition de l'Église; il est bien
 encore l'héritier du Pérugin et de Fra-Angelico ; sa peinture
 n'a pas tout-à-fail oublié la douleur des Catacombes, les cellules
 austères du XIVe siècle, îe Campo-Santo des Pisans ni les joies
 divines du martyr; mais on sent en elle plus de vie, plus de
 chaleur, plus de volupté ; elle sourit aux joies profanes du
 siècle de Léon X; elle aide à la résurrection de l'amour; elle
 aime plus qu'elle n'adore. Ses vierges reproduisent, dans d'ad-
 mirables contours, les formes délicieuses de la Fornarina.
 Dans ses fresques historiques et symboliques, qu'on a nom-
 mées les Chambres de Raphaël^ il a introduit la tête étrangère
 de Dante, comme ailleurs la philosophie antique personnifiée
 en Platon.
    Michel-Ange, au contraire, date de lui seul ; c'est un maître
 improvisé, indépendant, fier parce qu'il est toujours seul,
 impérieux et respirant la vengeance, comme le génie de Gré-
goire VIL, imposant son Å“uvre et sa domination comme la
papauté à la terre, véhément comme Savonarole,rude comme
Dante, sans maître et sans héritier, rejetant la tradition et
s'isolant dans des chefs-d'Å“uvre.
    Ainsi, dans l'art, l'esprit humain échappait à l'empire tyran-
nique de la foi ; dans la littérature, il remontait également
aux croyances payennes. L'élément profane était sans doute
nécessaire pour mûrir et dorer ces beaux fruits de la littéra-
ture et de l'art, trop longtemps arrêtés par la froide atmos-
phère du cénacle. Mais, comme toutes les idées nouvelles,
l'idée antique devenue une réaction éclata trop puissamment ;
elle absorba l'élément religieux et moderne. Alors l'épopée
romantique envahit le poème ; la langue latine fleurit en Ita-
lie avec les phrases les plus ciceroniennes ; on alla puiser
les froides règles de l'argument dans les livres d'Aristote,
contre lesquels Luther combattit avec tant de force comme
personnification de la scholaslique, et l'appelant « un maître