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pensée fut de s'occuper de la dépense du lendemain. Pendant
qu'on délibérait sur cette importante question, l'une d'elles
déclara posséder 20 f., la deuxième 6 f., et la troisième rien.
Cet argent provenait de dons reçus, pendant leur séjour à
l'Hôpital, des personnes qui venaient les visiter. Ces premiers
fonds suffirent aux besoins du premier mois.
    Les misères sympathisent entre elles. De simples ouvriers,
voisins de nos infirmes, venaient de temps en temps partager
avec elles le peu qu'ils possédaient. Ainsi, les premiers pro-
tecteurs étaient presque aussi pauvres que les protégés.
    Pendant plusieurs années cette petite réunion n'eut qu'une
existence précaire et vivait au jour la journée. Souvent l'argent
manquait; cependant le strict nécessaire arrivait toujours lors-
que le besoin était urgent. Cet état d'incertitude avait son côté
avantageux, il accoutumait à l'économie ; et comme les res-
sources étaient suffisantes pour les besoins les plus pressants ^
cela entretenait cet esprit de persévérance sans lequel on n'ar-
rive jamais. Il est probable qu'une somme considérable^
reçue inopinément alors, eût été la perte de la maison : on
aurait pris un plus grand appartement, acheté un mobilier
plus commode, fait une plus grande dépense ; la somme eût
été bientôt employée, et les besoins s'étant augmentés dans
les mêmes proportions, on n'aurait pu fournir à tous les frais;
car pendant plus de six années cet établissement ne s'est sou-
tenu qu'avec une peine extrême. Dans cet intervalle une des
trois premières infirmes tomba gravement malade. Rien n'é-
 tant disposé pour lui donner tous les soins nécessaires, elle
fut portée à l'Hôpital_où elle mourut. Cette fille possédait trois
 cents francs ; elle avait constamment caché cette somme crai-
gnant de la voir employée aux exigences de la maison ; elle
 s'imposait pour cela les privations les plus dures, et expira
 entre les mains de sa bienfaitrice, à qui elle n'osa jamais
 confier son secret ! L'avenir nous occupe souvent plus que le
 présent, et l'infortune que nous redoutons est toujours à nos
 yeux plus grande que celle que nous éprouvons dans le moment.