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braquant ma longue vue sur cette voile qui m'effrayait, je dis-
tinguai une corvette anglaise qui nous donnait la chasse. J'en
avertis le capitaine qui fit tout'préparer pour repousser l'at-
taque, et, me remettant le commandement du quart, il se
retira dans sa chambre.
   Comme le vent nous favorisait, je fis mettre toutes voiles
deliors; la corvetle orienta comme nous, et nous serra de
plus près. Il était hors de doute maintenant, qu'elle avai
mis le cap sur notre Corsaire.
   Ne voyant point paraître le commandant, j'assemblai le
lieutenant el le maître d'équipage. Nous tînmes conseil ; il
fut résolu que nous nous approcherions des côtes le plus que
nous pourrions, en nous hasardant même dans des basses
eaux; en attendant, des armes furent apportées sur le pont
 et chacun se prépara à la défense.
    Le capitaine enfin sortit de sa chambre. Il paraissait ma-
lade et fatigué ; était-ce la peur, élait-ce le mal de mer qui
le rendait ainsi p je l'ignore; les vagues commençaienlà mou-
tonner, et la brise souvent nous couvrait d'une poussière d'é-
cume salée. Je crus un moment que notre capitaine n'avait
jamais été marin, et à plus forle raison négrier.
   Le cinquième jour, la mer devint houleuse ; le vent sauta au
sud quart d'est, et nous fûmes obligés d'orienter au plus près.
Ce changement de vent nous perdit, car notre navire qui
n'était pas assez lesté, au lieu d'avancer, montait sur les va-
gues, et retombait dans l'abîme poussé par la raffale, à la-
quelle il n'opposait qu'une faible résistance. Les nègres nous
inquiétaient d'un autre côlé. Nous avions peur qu'ils se r é -
voltassent, et cependant nous n'étions pas assez barbares
pour les jeter à la m e r ; d'autant plus que cet acte d'inhu-
manité ne nous eut pas sauvé. Nous résolûmes donc de leur
laisser courir les mêmes chances que nous.
   Le sixième jour, la mer devint plus furieuse. Les flancs de
la Roxelane craquaient sous les coups redoublés des mon-
tagnes d'eau. Des nuages noirs et épais couraient sur les cô-