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les d'Afrique qui étaient par notre bâbord, et se groupaient sur les pitons, en se confondant avec la masse noirâtre des rochers.La corvette, mieux disposée que notre navire à pro- fiter du vent, s'était tellement approchée de nous, que nous pouvions distinguer des hommes dans les hunes. Elle com- mença à tirer le cation, auquel nous répondions de tout no- tre feu. La tempête devenait plus terrible, la mer roulait sur elle-même des co'ilines d'eau, qui venant à manquer lout-à - coup de ventj retombaient et se creusaient en abîmes p r o - fonds. Nos perroquets et nos catalois étaient s e r r é s ; nous avions deux rits aux huniers, et le bas rit à la mizaine ; mal- gré celte diminution de voiles, nous n'avancions pas : l è v e n t nous repoussait comme un oiseau trop léger, et toujours la maudite corvette nous envoyait ses boulets, qui portaient plus juste, et qui faisaient entendre un son plus sec et plus strident. J'essayai d'amener au lof; celte manœuvre ne fit que présenter plus de prises aux bordées de l'ennemi. Je serrai donc le vent en continuant un feu opiniâtre. Mais dans notre impatience, il semblait qu'un démon nous enchaînait à notre place, et qu'elle devait nous servir de tom- beau. Le capitaine après s'être promené un moment sur îe pont, se plaça sur son banc de quart, et fit paraître un calme qui me surprit, soupçonnant tonte sa lâcheté. Je vis dans ses yeux une arrière pensée, et me promis de le surveiller. Le maître d'équipage, toujours insouciant de la vie, toujours fier, conservait son sang froid comme s'il ne voyait pas le danger. Quant à Olivier, des pressentiments sinistres sem- blaient le préoccuper;il vint à moi : —Frère, me dit-il, lu vois bien cette corvette, elle nous apporte la mort. Pouvais-je croire, en voyant, d'un côté^ d'énormes rochers, contre lesquels nous allions nous briser; de l'autre, un vaisseau qui, profitant de son avantage , nous couvrait de son feu , et autour de nous, un vent épouvantable qui déchirait nos voiles, brisait nos manœuvres, tandis que les boulets en coupaient d'autres ; pouvais-je croire^ en effet, que j'aurais le bonheur