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508 LA COUSINE BRIDGET. fournis, et, quant aux yeux, il faut renoncer à les exprimer : d'une nuance grisâtre, les cils sombres sous lesquels ils se dé- robaient , les faisaient paraître noirs, et, comme les paupières étaient constamment abaissées, leurs riches franges, venant presque caresser la joue, donnait une apparence pensive à cette partie de la physionomie. Heureusement, le sourire espiègle qui se jouait au coin de la bouche, chassait promptement la pensée qu'une impression de tristesse eût jamais terni ou pût jamais ternir cette brillante vision. Elle venait d'écarter de son visage ses cheveux qui, dénoués sur son cou , s'échappaient jusque sur une épaule blanche et arrondie que laissait entrevoir un chà le , évidemment jeté à la hâte. — Mon Dieu, Janey, finissez donc ! vous ne laissez pas aux gens le temps de se mettre décemment, ne voyez-vous pas que je ne suis pas encore habillée, petite mauvaise ? — Vous pouviez bien alors me répondre tout de suite ; je n'aurais pas appelé si longtemps. Je ne suis pas venue pour vous voir, mais seulement pour vous dire que ma mère sera fâchée, si vous ne venez pas aujourd'hui, dit la fille aux cheveux rouges , d'un ton si lent et si abattu qu'il constrastait singulièrement avec la voix claire et joyeuse de l'habitante du cottage. — Bien ! bien ! Dites-lui que j'irai, pour le sûr, et que j'ap- porterai le ruban pour arranger le bonnet. Mais il faut que je m'habille. Adieu, bonne Janey ! Le doux visage disparut et la persienne se referma, et vrai- ment on eût dit que le soleil venait de se cacher derrière un nuage. Alors Janey se retira lentement. Comme elle passait, en se traî- nant, le long des petits jardins, elle effeuillait, d'un air distrait et presque hébété, les plantes à portée de sa main. Ce fut ainsi qu'elle arriva à sa destination qui était la boutique d'une reven- deuse , ou plutôt de la revendeuse du village. La voix aigre d'une femme éclata avec colère, au moment où elle apparut : — Où êtes-vous restée si longtemps ? Je voudrais bien le savoir: Au bas de la rue sans doute, avec un tas de polissons !