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DE L'ESPRIT DE LAFONTAINE, 407 * on le voit, grands frais d'imagination, et, pour aussi peu de chose, la postérité ne se pressera pas de délivrer des brevets d'invention et de perfectionnement. Aussi, depuis Lafontaine, combien de fables ont surnagé, combien sont restées dans l'es- prit, non pas du vulgaire, mais seulement des lettrés ? Dans la fable telle qu'elle existe aujourd'hui, telle qu'elle est généralement comprise par ceux qui s'y adonnent, la dégéné- rescence est flagrante. La fable, comme l'antiquité la compre- nait, comme on la retrouve chez les peuples primitifs, dans la Bible ou dans les légendes arabes, a un caractère tout autre ; elle est plus près de la nature, et en même temps plus élevée ; elle touche à la poésie lyrique, qui est, en date, la première poésie des peuples ; elle se confond avec la parabole : ce n'est, à pro- prement parler, qu'une métaphore prolongée où l'élément dra- matique entre à peine. Peu-à -peu, elle a affecté cette tournure dogmatique et didactique que nous lui connaissons ; elle s'est efforcée de gagner en morale ce qu'elle perdait en poésie ; elle a édicté des sentences pour la pratique journalière de la vie : ar- rivée là , il ne lui restait plus qu'à mourir, c'est-à -dire à dispa- raître dans les traités d'éducation et de morale ; elle ne pouvait plus être, en effet, qu'une instruction déguisée sous une allégo- rie, et c'est, en effet, la définition qui en a été le plus souvent donnée. C'est alors que Lafontaine est venu rajeunir îa fabie, là re- tremper, non pas aux sources antiques, mais dans les sources les plus modernes. D'une chose morte il a fait une chose vivante, et cela, tout simplement sans effort,'en imprégnant la fable de sa propre vie, en la rendant humaine au plus haut degré. Lafontaine, en effet, pour le fond même des sujets qu'il a choisis, a très-peu inventé, et ilne s'en cache guères ; il a pris à Esope, à Pilpay, à Phèdre, il a pris à tout le monde, et, de pré- férence, les sujets les plus connus ; ça été sa gloire de les trans- former, de les vivifier, de les égayer au point de les rendre siens. On peut dire de lui qu'il a peint ses tableaux sur la toile même où d'autres avaient travaillé avant lui, et personne ne s'avise, aujourd'hui, de chercher une fable de Phèdre sous une fable de