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LA JUNGFRAU. 255 n'avaient point gardé la trace de ton passage; je suis entré dans les déserts, et je n'ai point retrouvé l'empreinte de tes pas sur leurs sables toujours agités ; je me suis enfoncé dans les forêts épaisses, mais l'herbe vivace avait recouvert leurs sentiers, et tes vestiges s'y étaient effacés ; j'écoutais les bruits du ciel, dans les échos de l'air lui-même. ; ta douce voix était absente. Enfin, j'er- rais sans force et sans espoir sur les bords de ce lac, j'allais mourir, quand mes regards, s'éteignant sur la surface tranquille des eaux, aperçurent un blanc reflet qui s'agitait au souffle du vent, j'ai tressailli, et mes yeux, levés au ciel, ont vu pardessus les sombres montagnes la forme blanche et pure d'une divine tête qui semblait dormir dans la resplendissante nuit des hautes régions du firmament. J'ai demandé: qui est-elle? et l'on m'a répondu : c'est la Jungfrau ; c'est la vierge, la perle de nos mon- tagnes, le diamant de nos cieux! Alors j'ai tendu les bras, et je me suis agenouillé; car c'était bien toi, ma blanche fiancée, c'était bien toi, belle, pâlie par l'amour, et mélancoliquement assise au sein de la riche nature dont tu es la reine. « Tu es belle, car ta tête pure se perd dans les hauteurs des cieux : les nuages sont ta chevelure, et les eaux bleues du lac, ton miroir. C'est sur toi, que le soleil darde, chaque matin, ses pre- miers rayons, et le soir, l'astre des nuits vient t'effleurer et te bénir ; puis il se cache derrière toi, comme une tendre mère j en laissant tomber sur ta figure le voile azuré des nuits. Dors, Jungfrau, je veille et je te contemple. « Tu es belle; tes seuls ornements sont ta beauté naturelle, et les charmes immaculés dont t'a douée le Créateur . J'ai vu, le soir, ta blanche forme se balancer dans les airs ; et les forêts ont frémi d'enchantement, les zéphirs se sont embaumés, le ciel s'est rempli de lointains concerts. Tu semblais l'ange mélancolique des pieuses morts, accoudé, plein d'une triste et sainte rêverie, sur le bord d'une nouvelle tombe. « Tu es belle-, autour de toi sont de profonds abîmes, remparts creusés par la nature pour défendre ta virginité. Aussi le contact des hommes ne t'a point communiqué sa souillure, et quand tu le veux, le ciel a d'impénétrables voiles qu'il sait répandre sur