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484 CAUSERIE D'UN BIBLIOPHILE
« Je ne saurais vous dire combien j'aime à prendre et
reprendre tous les volumes que vous avez eu la bonté de
me donner et tout ce que j'éprouve de plaisir en les feuille-
tant souvent, tenaillant et égarant ma pensée à vouloir
démêler, dans les lettres ou écrits divers qu'ils renferment,
le caractère de chacun par les caractères de son écriture.
Illusion de la folle du logis qui se complaît tant dans les
illusions!
« Il y a, suivant les temps, une véritable mode dans la
forme de l'écriture que l'on voit être à peu près la même,
chez tous à une même époque, sauf la signature que chacun
trace suivant sa fantaisie. Cette uniformité se comprend :
la copie de modèles semblables donnée aux enfants quand
ils apprennent à écrire, amène une forme semblable d'écri-
ture.
« L'écriture en France était allongée avant et même
sous Louis XIV, tourmentée sous la Révolution, bâtarde
sous le Consulat, ronde sous l'Empire. Elle devient anglaise
sous la Restauration, époque a laquelle on cherchait à tout
modeler, Ã commencer par le gouvernement, sur l'Angle-
terre.
a Toutefois la folle du logis persiste, chez moi, Ã vouloir
trouver un rapport entre la signature surtout des personnes
et leur caractère. Ainsi la signature ferme de Louis XIV
me semble trahir un monarque aux idées arrêtées et impé-
rieuses ; celle illisible de Napoléon Ier me paraît montrer
(l'imagination aidant) un despote' toujours pressé, d'une
activité fébrile, tout comme son écriture griffonnée à dessein
pour dissimuler ses fautes d'orthographe.
« Dans la signature si nette et toujours si soignée de
Louis-Philippe, je crois trouver un rapport avec la conduite
correcte de ce roi; dans celle de Napoléon III je crois voir