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DU RÈGNE DE LOUIS XIII 331 sa selle ; puis, lorsqu'il fut arrivé à l'autre bord, il fit cent fois voltiger son cheval devant l'armée, comme s'il eut pris plaisir à faire voir qu'il savait quelque chose dans cet exercice. Ces détails minutieux, donnés non sans malice par un contemporain, montrent qu'on était quelque peu surpris alors de voir un prince de l'Église dans cet accoutrement. Richelieu le comprenait bien lui-même ; c'est pour cela sans doute, c'est pour autoriser sa propre conduite qu'il aimait à se faire accompagner du cardinal de La Valette, qu'il donna sa confiance et une partie de son pouvoir au Père Joseph de Tremblay, et qu'il fit amiral l'archevêque de Bordeaux, Henri d'Escoubleau de Sourdis. Le grand ministre n'avait quitté l'épée pour la robe ecclésiastique, changeant le titre de marquis de Chillon contre celui d'évêque de Luçon, que lorsque son frère aîné préféra lui- même la solitude d'une chartreuse aux dignités de l'Église. Il y avait autrefois des vocations de famille : chez les Richelieu on avait la vocation d'être évêque de Luçon. D'autres réflexions assiègent l'esprit devant le curieux tableau que nous venons d'emprunter au brave Pontis. Le puissant esprit de Richelieu savait faire cas, sans doute, de la valeur d'une habile réclame, quoique le mot fût alors inconnu, et comptait une mise en scène bien réglée parmi les petits moyens de succès qu'un bon politique ne doit pas négliger. Cela n'est point surprenant de la part d'un homme assez avisé pour avoir compris l'importance de la Presse à une époque où elle n'existait pas chez nous. Ce fut lui, en effet, qui aida Renaudot à fonder le premier journal fran- çais, la Gazette de France. Il est vrai que dès le xvie siècle il existait des gazettes en Italie ; on les avait ainsi baptisées du nom de la piécette de monnaie qui servait à les payer.