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                   DU RÈGNE DE LOUIS XIII                   415

 aux ennemis ne donnerait pas peu de cœur aux mal affec-
tionnés du royaume, et ledit monsieur le Comte, se voyant
 pour jamais perdu en France, donnerait grande chaleur
 aux ennemis d'entreprendre tout ce qu'il pourrait contre
 elle; qu'au moins sa jonction reculerait-elle la paix, si on
 ne la voulait faire à des conditions honteuses, et tout à fait
ruineuses à la France, en donnant un établissement à lui et
 à la reine mère. »
    Ainsi, il voulait bien donner un établissement au comte
de Soissons, cousin du roi, mais redoutait d'en donner un
 à la reine mère du roi. Et cependant ils sont aussi coupables
l'un que l'autre, fomentent les mêmes troubles, lient les
mêmes alliances avec l'ennemi héréditaire.
    On trouve bon de tout céder au comte de Soissons pour
 écarter les complications qui pourraient survenir si on le
poussait à bout, si on lui laissait croire que sa rentrée en
France est impossible. Mais on ne trouve pas mauvais en
 même temps de maintenir en cet état, de pousser à cette
extrémité la mère du roi : voilà la passion !
    L\imour du bien public dirige les négociations du car-
dinal dans le premier cas ; la passion le fait parler et agir
dans le second, et ce grand esprit en est à ce point aveuglé
qu'il ne s'en aperçoit pas, qu'il croit agir uniquement dans
l'intérêt de la France. Le cynisme avec lequel il expose
l'affaire dans ses Mémoires prouve bien qu'il s'ignorait lui-
même, qu'il se faisait illusion sur les mobiles déterminant
sa volonté. Il s'est fait illusion jusqu'au bout et sans doute
son langage était sincère quand, à son lit de mort, il se
disait prêt à paraître sans crainte devant Dieu, n'ayant jamais
recherché son intérêt propre niais celui du royaume. Tant
il y a de la faiblesse dans les plus grands esprits, de la peti-
tesse dans les plus grands caractères.