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                  DU RÈGNE DE LOUIS XIII                   403

son courage. Il fut onze mois à la Bastille, enfermé dans un
cachot. Il fut pris en hiver, et l'habit de velours noir qu'il y
porta demeura toujours sur son corps tant qu'il habita dans
cette effroyable demeure. On l'interrogea quatre-vingts fois
avec toute la sévérité possible, et il répondit toujours avec
bon sens et fermeté, sans se laisser entamer sur aucun cha-
pitre, sans se couper dans ses réponses, ni sans embar-
rasser personne. On l'en fit sortir pour le mener à Troyes,
avec toutes les rudes apparences d'un homme qu'on allait
mener à la mort. En sortant de la Bastille, comme il passa
dans la cour, il vit sur le perron le maréchal de Bassom-
pierre, le marquis de Leuville, parent du garde des sceaux
Châteauneuf, Vautier, premier médecin de la reine-mère
et quelques autres qui étaient prisonniers mais qui avaient
été traités plus humainement que lui. Car il ne savait ni où
il allait ni ce qu'il allait devenir. Il se retourna vers eux et
s'écria : « Adieu, je ne sais où je vais, mais assurez-vous,
quoi qu'il m'arrive,que je suis homme d'honneur, et que je
ne manquerai jamais à mes amis et à moi-même. » A
Troyes on lui donna pour juge Laffemas, celui qui l'avait
déjà tourmenté à la Bastille et qu'on appelait le bourreau du
cardinal. On accompagna celui-là d'un nombre suffisant de
juges pour lui faire son procès, qui ne furent pas plus
 honnêtes gens que lui. Il y travailla par toutes les voies que
 ces sortes de gens savent pratiquer ; et il fut fortement
 secondé des autres. Ils voulurent lui acheter de faux
témoins, mais le prévôt de .l'Ile, qui avait accompagné le
 chevalier de Jars à Troyes, et qu'on voulut obliger de dire
 que, sur les chemins, ce gentilhomme avait fait quelques
 discours contre l'État, ne voulut point entrer dans cette
 malice, et nia absolument de vouloir le faire. Laffemas
 savait le secret du cardinal de Richelieu, qui était de ne pas